La défaite de la gauche était attendue mais la débâcle pas forcément. Cet échec a rendu inévitable le remaniement. Le chef de l'Etat a d'ailleurs voulu marquer le changement en annonçant lui-même, lors d’une allocution télévisée, la nomination de Manuel Valls à Matignon et en lui donnant sa nouvelle feuille de route. François Hollande a ainsi déclaré lundi 31 mars : « Au pacte de responsabilité doit correspondre un pacte de solidarité… avec une diminution des impôts des Français d’ici 2017. »
Le premier défi de Manuel Valls est donc de donner un contenu et un agenda à cette inflexion sociale, annoncée par le président de la République. Une inflexion réclamée par les Français mais aussi par les parlementaires socialistes qui, depuis les résultats des élections municipales, sont en colère. Et selon Thierry Mandon, Manuel Valls a du pain sur la planche pour les calmer. Le porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale estime que le Premier ministre « doit être ouvert et dialoguer sérieusement, respectueusement et loyalement avec les parlementaires. Le groupe [socialiste] va être très exigent. Il va vouloir des politiques précises, notamment une inflexion sociale sur laquelle il jugera le gouvernement. »
« Un contrat de majorité »
Le député Laurent Baumel évoque même la nécessité de changer totalement de méthode et de passer ce qu'il appelle « un contrat de majorité » entre le gouvernement et les parlementaires. Selon lui, « les choses ne pourront pas se passer comme elles se sont passées dans les deux premières années du quinquennat. Il faut qu'on passe d'une phase très Vème République fondée sur la discipline brutale, le soutien acquis d’avance, à une phase où la confiance se construit texte par texte dans un dialogue et [avec] une prise en compte réelle du ressenti des parlementaires. »
→ A (RE)LIRE : Manuel Valls à Matignon, les réactions
La défaite aux municipales a changé la donne. Manuel Valls va devoir faire preuve de diplomatie pour retrouver la confiance des élus socialistes. Une nécessité d’autant plus impérieuse qu’il ne peut plus compter sur le soutien des écologistes qui sont sortis du gouvernement. Manuel Valls suscite chez eux la méfiance, voire l'animosité. C'est d'ailleurs sa nomination qui a provoqué leur départ. Un choix approuvé par le député Noël Mamère qui explique la nouvelle position des Verts : « Nous allons écouter Monsieur Valls et nous allons voir. Mais aujourd’hui, les écologistes sont dans une logique de soutien sans participation… Nous soutiendrons le gouvernement quand nous estimerons que ça va dans le bon sens et nous voterons contre quand ça ne va pas dans le bon sens. »
Discipliner les socialistes
Le Premier ministre ne dispose que d'une courte majorité à l'Assemblée nationale pour faire passer le pacte de responsabilité, la loi sur la transition énergétique, les grands textes prioritaires sur lesquels François Hollande s'est engagé. Mais, selon le politologue Olivier Rouquan, cette situation n’a pas que des inconvénients. Elle peut aussi contribuer à discipliner les socialistes : « Avoir pour soutien ferme et stable le seul Parti socialiste, c’est aussi obliger ce parti à être plus cohérent, plus discipliné parce que si cette majorité se fragilise trop, l’ultime moyen pour le chef de l’Etat c’est de dissoudre [l’Assemblée nationale]. Les députés n’aiment pas retourner devant les électeurs en cours de mandat. »
Dans ce contexte, la nomination de Ségolène Royal au gouvernement peut-elle faciliter les choses ? C'est à voir. Mais la nouvelle ministre de l'Ecologie a essayé, dès son entrée en fonction le 2 avril, de mettre de l'huile dans les rouages avec les écologistes. « J’ai toujours eu de très bonnes relations avec les Verts, a-t-elle déclaré, ils apportent quelque chose d’essentiel, une autre vision des choses dans la société. Ils ont une expertise, une passion, un engagement, des convictions qui sont tout à fait utiles au pays. »
→ A (RE)LIRE : Manuel Valls va devoir « faire des concessions »
L'effet positif de Ségolène Royal au gouvernement, le député UMP Sébastien Huyghe n'y croit pas. Selon lui, « Ségolène Royal est un épiphénomène. On s’est dit que c’était bien de la faire revenir parce que finalement elle a une bonne cote de popularité dans les sondages. On a mis Monsieur Valls Premier ministre parce que c’était un bon communicant. Mais en aucun cas, on a choisi une nouvelle ligne politique pour dire aux Français : "j’ai compris le message". »
Rassurer
Manuel Valls est attendu de pied ferme par sa majorité et par l'opposition. Mercredi soir, au 20 h de TF1, il a donc essayé de commencer à rassurer : « Nous devons redonner confiance. Et la mission que le président de la République m’a confiée, c’est de redonner de l’énergie, du goût du collectif, de mieux travailler ensemble au service des Français. Et chacun, à gauche comme à droite dans le pays, a une responsabilité : faire réussir le pays, redresser notre économie. »
Mardi 8 avril, Manuel Valls va prononcer son discours de politique générale. Il devra obtenir la confiance des députés. Ce sera son premier défi. Et ça n'est pas gagné d'avance.