RFI : Les consultations sont donc engagées pour former le gouvernement. Qui est aujourd’hui le plus proche cercle de Manuels Valls ?
Laurent Borredon : Pour l’instant, le plus proche cercle de Manuel Valls en réalité est assez limité. Ce qui est davantage important, c’est l’alliance qu’il a nouée assez récemment avec deux figures de l’aile gauche du PS, c’est-à-dire Arnaud Montebourg et Benoît Hamon. Et c’est probablement là-dessus qu’il va s’appuyer pour compenser le fait que lui-même soit assez marqué à la droite du PS.
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Marqué à droite... On avait entendu Manuel Valls, ces derniers mois, répéter « Je suis de gauche, je suis socialiste ». Visiblement, quand on lit les commentaires ce matin, certains n’en sont toujours pas convaincus ?
Tout à fait. Ça va être le gros challenge pour Manuel Valls au niveau de la composition du gouvernement. Il va falloir en fait qu’il fasse des concessions et il va probablement avoir davantage d’opportunités pour des gens qui sont plutôt classés à la gauche de la majorité paradoxalement que des gens qui sont marqués sociaux-démocrates et parfois brocardés comme sociaux-libéraux.
Précisément, on entend ce mardi matin Jean-Chritophe Cambadélis, classé lui plutôt à la gauche du parti, dire qu’il y a une confusion autour de Manuel Valls. D’où vient cette confusion ?
Cette confusion vient de son parcours en fait, puisqu’il a toujours été un outsider au sein du PS jusqu’en 2012 et, pour exister, il a une stratégie du coup d’éclat très récurrent, et notamment sur des domaines un peu marqueurs du PS : les 35 heures - on pense à sa position contre les 35 heures -, pour la TVA sociale, prenant le fait que le PS soit débaptisé. Toutes ces positions effectivement ont entraîné de la confusion même si on peut remarquer que depuis qu’il a été choisi par François Hollande comme directeur de la communication de sa campagne, fin 2011, Manuel Valls s’est bien gardé d’avoir ce type de coup d’éclat. Alors, il en a eu d’autres sur l’affaire Dieudonné ; il y a eu la polémique Leonarda, mais ça, c’était sur ses domaines d’activités au ministère de l’Intérieur. Mais sur les aspects économiques et sociaux, il a été extrêmement prudent.
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Peut-on dire que Manuel Valls a été un ministre plutôt discipliné ?
Il a été même probablement l’un des meilleurs élèves, en tout cas vis-à-vis de François Hollande. Les relations avec Jean-Marc Ayrault étaient un peu plus compliquées, mais comme en général, il avait gain de cause, c’était effectivement un des bons élèves du gouvernement.
Hier, on a entendu le président réclamer une équipe resserrée, cohérente, soudée. Est-ce que, d’une certaine manière, c’est le contraire de ce qui a été l’équipe Ayrault ?
Oui, c’est certain. Je ne peux que répondre ça. Il y a eu beaucoup de ministres, beaucoup de délégués à des fonctions que les Français d’ailleurs vont oublier avant même de les avoir connues. Après, le challenge ça va être de respecter tous les équilibres de la majorité dans un gouvernement resserré, ce n’est pas certain qu’il y arrive avec la parité en plus.
Ces poids lourds, Hamon, Montebourg... quelle est justement la marge du Premier ministre lorsqu’il choisit ses hommes et ses femmes ? Quel est le poids du parti ?
Le poids du parti actuellement sera faible puisque le parti est extrêmement faible, le poids en fait qu’il y a entre les représentants des courants au PS, et il va se jouer essentiellement entre l’Elysée et Matignon davantage qu’au parti.
On a vu, ces dernières heures, des consultations engagées avec les Verts, avec les écologistes, les très fortes réticences de plusieurs ténors, deux ministres qui ont dit d’ailleurs qu’ils ne feraient pas partie de la future équipe. Est-ce que, de ce côté-là, concrètement des alliances sont possibles ?
Des alliances sont toujours possibles, des concessions sont toujours possibles surtout avec les écologistes bien sûr.
Quand François Hollande dit « un gouvernement resserré, un gouvernement cohérent », est-ce que cela veut dire justement que s’il y avait des couacs comme on en a vu de nombreux ces derniers mois, il pourrait y avoir davantage de sanctions, un véritable changement de ton ?
En tout cas, on n’imagine pas Manuel Valls gérer les couacs de la même manière que Jean-Marc Ayrault puisqu’à part Delphine Batho, qui a un peu servi de victime expiatoire à un moment où vraiment le Premier ministre était affaibli, à chaque couac les ministres étaient concernés, voire parfois avec gain de cause puisque Manuel Valls sait parfaitement, notamment quand il est arrivé au ministère de l’Intérieur, sur le récépissé de contrôle d’identité, Jean-Marc Ayrault annonce la mesure, Manuel Valls le dément et au final, c’est Manuel Valls qui a raison. Dans le sens inverse, on imagine assez peu la chose. Après, il faut voir les modalités des sanctions. Dans l’idéal, pour un Premier ministre, le mieux c’est encore que le couac n’arrive pas évidemment. Ça va donc être là la mission de Manuel Valls, c’est que les couacs, qui étaient souvent d’ailleurs des couacs de communication, n’arrivent pas. C’est pour cela qu’il a été choisi puisqu’il avait joué ce rôle dans la campagne avec François Hollande avec succès. Ça va être l’un de ses rôles : éviter les couacs de communication et donc éviter d’avoir à sanctionner des ministres.
Laurent Borredon est journaliste au journal Le Monde, co-auteur avec David Revault d’Allonnes Valls, à l’intérieur aux éditions Robert Laffont.