François Hollande voulait à Beauvau François Rebsamen, un de ses fidèles qui rêvait déjà en 2012 du ministère de l’Intérieur. Manuel Valls préférait, pour lui succéder, un de ses amis : le président de la Commission des lois Jean-Jacques Urvoas . Et comme le président et son Premier ministre n’ont pas trouvé d’accord, c’est un troisième homme qui a finalement été choisi : Bernard Cazeneuve. Bernard Cazeneuve à nouveau joker du gouvernement. Il y a pile un an, il avait déjà quitté en urgence les Affaires européennes pour remplacer Jérôme Cahuzac.
Bernard Cazeneuve, c’est donc l’homme des situations impossibles. L’ancien député de la Manche avait d’ailleurs déjà réussi un exploit : être un proche de Laurent Fabius tout en conservant des liens avec François Hollande et ce même quand les deux hommes étaient au pic de leur affrontement. Homme de confiance du président donc, Bernard Cazeneuve est décrit par les socialistes comme très aimable et mesuré, drôle souvent, mais aussi autoritaire, ce que ses collègues du gouvernement résument par cette formule : Bernard Cazeneuve, c’est l’homme qui dit « non » mais en souriant.
Après l'effet de surprise, la perplexité parmi les policiers
Les policiers étaient persuadés de voir arriver au ministère de l'Intérieur François Rebsamen, l'ancien chef de cabinet de Pierre Joxe, qui présentait l'avantage ou l'inconvénient (c'est selon) d'avoir déjà de solides réseaux place Beauvau. A défaut, ils auraient fait bon accueil au juriste chevronné Jean-Jacques Urvoas, très impliqué depuis de nombreuses années dans les questions de sécurité au Parti socialiste. Or, c'est Bernard Cazeneuve qui est sorti du chapeau, à la dernière minute.
L’ancien ministre du Budget, illustre inconnu au sein des forces de l'ordre, a fait des études de droit mais les policiers ne le savent pas et s'imaginent qu'ils vont devoir reprendre avec lui tous les dossiers à zéro. Une perte de temps qui les épuise d'avance. En revanche, Bernard Cazeneuve connaît par cœur l'état des finances du ministère puisque c'est lui qui a amputé récemment l'indemnité de sujétion des jeunes recrues. Les policiers attendent de lui deux choses : qu'il comprenne enfin leurs besoins et qu'il contrecarre à tout prix les réformes de Christiane Taubira, quand elles les empêchent d'accomplir leurs missions.
→ A (RE) LIRE : France: le casting «de combat» du gouvernement Valls
Benoît Hamon, un fin stratège
Une marche plus haute dans l'escalier ministériel ! A 46 ans, Benoît Hamon passe de la Consommation à l'Education. Un nouveau ministère pour ce Breton élevé au Sénégal et positionné plutôt bien à gauche. Ce qui lui a valu les critiques de ses ennemis sur son silence au sujet des choix libéraux du président Hollande. Soutien du nouveau Premier ministre, Benoît Hamon fait figure de stratège à la tête de l'Education. Son passé et son expérience militante sont considérés comme des atouts.
L'homme est ambitieux, il trouvait - il ne l'a jamais caché - son ancien poste au ministère de la Consommation bien trop étroit. Devenu l'allié de Manuel Valls sur le tard, à l'automne dernier, ce fan de rugby a l'avantage d'être estampillé « gauche de la gauche », un bon point pour plaire aux enseignants, et de connaître leur monde de l'intérieur. Ancien membre des Jeunesses étudiantes, il saura comment dialoguer et peut-être décrisper, voire réformer, là où son prédécesseur a échoué ou du moins stagné.
Pour l'école primaire, reviendra-t-il sur les rythmes scolaires, cette semaine de quatre jours et demi partagée entre la classe, le sport, et les activités d'éveil ? Un changement auquel les instituteurs, les parents et les maires de petites villes pas assez équipées ont du mal à s'adapter. Là où l'ancien ministre Vincent Peillon a été taxé de trop intellectuel, de ne pas faire dans le concret, le nouveau, Benoît Hamon donc, aura tout intérêt à se forger une étiquette de va-t-en-guerre, capable s'il le faut de revenir sur les promesses du président de 60 000 postes supplémentaires.
Le passé de Benoît Hamon à la Consommation pourrait légitimer une meilleure articulation entre lycées, universités et entreprises, entre nouvelles technologies et leçons traditionnelles. Mais ce stratège pourrait aussi se contenter de caler ses pas sur ceux du prédécesseur, histoire de mettre dans un premier temps les effusions syndicalistes un peu en sourdine.
→ A (RE) ECOUTER : l’émission Décryptage consacrée ce mercredi à la composition du nouveau gouvernement