France: l'immunité parlementaire de Serge Dassault est levée

Le bureau du Sénat a levé ce mercredi 12 février l’immunité parlementaire de l’industriel français Serge Dassault, en réponse à une demande de la justice. Le sénateur UMP de l'Essonne est soupçonné d’avoir organisé un système d’achat de votes à Corbeil-Essonnes, la ville de banlieue parisienne dont il a été le maire.

La levée de l’immunité parlementaire de Serge Dassault était attendue. Cela faisait déjà plusieurs fois que les magistrats enquêtant sur cette affaire en faisaient la demande, et s’étaient toujours heurtés à un refus. La dernière fois, le 8 janvier, cette décision des sénateurs avait même provoqué un tollé. Ils doivent en effet prendre cette décision à l’occasion d’un vote du bureau du Sénat, composé de 26 membres. Une majorité d’entre eux avaient déclaré avant le scrutin qu’ils se prononceraient pour une levée d’immunité de Serge Dassault. Las, au dépouillement, celle-ci est rejetée : certains sénateurs avaient donc menti.

Il aura donc fallu une nouvelle demande de la justice, et un nouveau scrutin – à main levée, cette fois – pour que l’immunité de l’industriel soit levée pour de bon. L’issue du vote de ce mercredi ne faisait cependant aucun doute, Serge Dassault ayant appelé lui-même ses collègues à lever son immunité, estimant qu’il « n’avait rien à se reprocher », et qu’il se tenait à disposition de la justice pour répondre aux questions des enquêteurs.

Elections municipales à répétition

Et des questions, ils en ont. Serge Dassault serait au cœur d’un présumé système d’achat de votes, lors des élections municipales de 2008, 2009 et 2010 à Corbeil-Essonnes. En 2008, il avait emporté le scrutin, mais celui-ci avait été annulé par le Conseil d’Etat. La plus haute juridiction administrative française considérait alors pour « établis » des dons d’argent aux électeurs. Serge Dassault, qui candidatait alors pour sa réélection, avait été condamné à une année d’inéligibilité et un nouveau vote a du être organisé l’année suivante. C’est cette fois Jean-Pierre Bechter, le bras droit de Dassault qui se présente et gagne. Mais là encore, le scrutin est annulé, en cause, des bulletins de votes qui ne sont pas aux normes. 2010, troisième scrutin, Jean-Pierre Bechter se présente à nouveau et l’emporte derechef.

Mais voilà, les magistrats du pôle financier de Paris estiment que pour toutes ces élections, il y a eu des pratiques d’achats de votes, de corruption, et de blanchiment. C’est pourquoi ils veulent convoquer Serge Dassault et réaliser des perquisitions à ses bureaux et domiciles.

Un système Dassault ?

L’homme d’affaire possède l’une des plus grosses fortunes françaises : il est propriétaire du groupe Dassault, qui fabrique les avions Rafale et Falcon, ainsi que du journal Le Figaro… Il aurait tout simplement distribué une partie de son argent en échange de votes lors des élections municipales de Corbeil-Essonnes. Pour cela, il aurait fait appel à des intermédiaires, chargés de se rendre sur le terrain, directement au contact de la population.

Les enquêteurs sont en train de remonter le fil de ce présumé système, et Jean-Pierre Bechter ainsi que deux autres personnes ont déjà été inculpés.

Même si Serge Dassault a perdu son immunité parlementaire, au titre de la présomption d’innocence, il conserve tout de même son statut de sénateur. Il devrait être convoqué dans les prochains jours par les magistrats instructeurs, une convocation qui devrait vraisemblablement déboucher sur une garde à vue. Il aura alors l’occasion de répéter aux enquêteurs, comme il l’a toujours fait jusqu’à présent, qu’il n’a jamais mis en place un tel système, et que, même si il lui est arrivé « d’accorder un soutien financier, [cela a] toujours été en dehors de toute démarche électorale ».

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