Pour Manuel Valls, les spectacles de Dieudonné sont clairement devenus une tribune en faveur du racisme et de l'antisémitisme. Il y a quelques mois, Dieudonné a ainsi pris pour cible le journaliste Frédéric Haziza, de La Chaine Parlementaire (LCP). Il l'accusait alors de « tribalisme d'incompétence », de partialité et d'agressivité.
Puis il s'en est pris, au cours d'un récent spectacle, à Patrick Cohen, le journaliste de la matinale de France Inter. « Quand je l’entends parler Patrick Cohen, dit Dieudonné, je me dis, tu vois les chambres à gaz... dommage... »
Un dérapage gravissime qui mérite d'être sanctionné, estime donc l'Intérieur, précisant dans son communiqué que « l'humoriste s'attaque de façon évidente et insupportable à la mémoire des victimes de la Shoah ». Manuel Valls poursuit : « Malgré une condamnation pour diffamation, injure et provocation à la haine et à la discrimination raciale, Dieudonné Mbala Mbala ne semble plus s'embarrasser de la moindre limite. »
Les autorités françaises envisagent donc de le censurer, pointant un risque de « troubles à l'ordre public » à chaque nouvelle représentation. Et ce n'est pas nouveau : il y a des précédents, plusieurs spectacles de Dieudonné ayant déjà été interdits pour ce même motif à Grenoble, Perpignan et Montpellier notamment. Des arrêtés annulés à plusieurs reprises, par la suite, par les autorités administratives.
La polémique de la « quenelle »
Salut antisémite pour les uns, simple bras d'honneur pour les autres... la « quenelle » est un bras tendu vers le bas tout en plaçant la main opposée sur l'épaule du bras tendu. Ce geste, inventé par Dieudonné et l'essayiste d'extrême-droite Alain Soral, s'est popularisé sur la toile et sur les plateaux de télévision.
Le but : placer une « quenelle », c'est à dire se faire prendre en photo en faisant le geste, n'importe où, et diffuser l'image sur internet, sur des sites dédiés.
Mais certains partisans de Dieudonné exécutent ce geste près de symboles liés à la communauté juive. Ainsi, deux militaires ont été sanctionnés pour avoir fait ce geste devant une synagogue. Alain Sorral, idéologue d'extrême-droite, s'est fait photographier faisant une « quenelle » au milieu du mémorial de la Shoah à Berlin.
C'est devenu un geste politique. Un geste de ralliement et de soutien que Dieudonné encourage. Il explique que derrière ce geste, qu'il qualifie « d'un peu anodin et potache », « se cache un acte subversif ».
Antisystème ou antisémite ?
La « quenelle », geste rebelle ou salut nazi inversé ? Dieudonné entretient le flou, mais il ne cache plus sa haine viscérale de la communauté juive. En 2009, en compagnie d'Alain Soral, il était chef de file d'une liste antisioniste aux élections européennes. La popularité de Dieudonné inquiète les institutions juives de France. Sans aucune publicité, il fait chaque semaine salle comble dans son théâtre de la Main d'or, à Paris. Ses spectacles se terminent par des séances de « quenelles » collectives.
Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France, se dit très préoccupé par le succès de ce geste, qui est à ses yeux est un véritable salut nazi. Cependant il ne veut pas « aller au procès contre des gens, si l'on risque de perdre ». Dieudonné, de son côté, a déposé plainte contre la Licra qui a qualifié la « quenelle » de salut nazi. Le bras de fer va donc se poursuivre dans les prochaines semaines devant les tribunaux.