Chef du service de médecine légale au CHU de Bordeaux, Sophie Gromb est un expert indépendant reconnu auprès de la Cour de cassation. C'est à ce titre qu'elle a été appelée à intervenir auprès de Liliane Bettencourt le 7 juin 2011, à la demande du juge Jean-Michel Gentil. Ce qui pose problème, c'est qu'à titre privé, Sophie Gromb est en même temps une amie proche du magistrat, ce qu'il n'avait jamais mentionné auparavant. Amie si proche d'ailleurs qu'elle a été son témoin de mariage avec la procureur Isabelle Raynaud, le 30 juin 2007, à Mérignac, en Gironde.
Faute déontologique ou faute grave ?
C'est une négligence incroyable pour un juge expérimenté, et d'une inconvenance totale sur le plan déontologique. C'est surtout un argument en or pour tous ceux qui mettent en doute depuis longtemps l'impartialité du juge Gentil. Ils pourront parler désormais ouvertement de conflit d'intérêts, voire argumenter sur le fait que l'instruction a été biaisée et que des éléments ont été volontairement cachés... D'ailleurs, les avocats de Nicolas Sarkozy et des autres mis en examen n'en reviennent toujours pas, tout simplement, et ils se frottent les mains : on leur avance sur un plateau de quoi faire tomber toute la procédure !
Une expertise contestée sur le fond
Les avocats de la défense avaient de toute façon d'autres arguments pour contester cette expertise médicale. Ils avaient même déposé un recours auprès de la chambre de l'instruction, qui devait se prononcer sur ce point le 6 juin prochain. Selon eux, l'examen médical réalisé en juin 2011 a été mené sans précautions un beau matin sur une dame âgée, qui s'est toujours opposée à toute expertise et que personne n'avait préparée à cela. L'octogénaire a vu débarquer dans sa chambre de parfaits inconnus venus lui poser tout un tas de questions, alors qu'elle est complètement sourde et qu'elle n'avait personne pour l'assister, surtout pas ses conseils qui n'avaient pas été prévenus. Aujourd'hui, on sait plus précisément que le professeur Gromb est effectivement restée seule ce jour-là avec Liliane Bettencourt en compagnie du juge Gentil et du chef de la brigade financière de la police de Paris pendant environ une demi-heure, puis que quatre autres experts sont arrivés. Avertis par téléphone, l'avocat et le médecin de Liliane Bettencourt ont été congédiés par le juge. N'est resté que l'infirmier.
Une expertise pourtant décisive
C'est en fait l'élément clé de toute la procédure, car sur le plan légal, pour qu'il y ait abus de faiblesse, encore faut-il que l'on puisse mesurer les pertes cognitives de la personne concernée et que l'on puisse dater le début de ces dommages irréversibles. Dans le cas de Liliane Bettencourt, l'expertise effectuée par le professeur Gromb fait remonter les troubles de l'héritière de L'Oréal au mois de septembre 2006. C'est ce qui a permis récemment au juge Jean-Michel Gentil de procéder aux douze mises en examen du dossier, dont celle de Nicolas Sarkozy. Si désormais il s'avérait que cette expertise n'était pas aussi indépendante que souhaitée, toute la démonstration s'effondrerait d'un coup.
Que feront les avocats de la défense ?
Ils sont en train d'étudier minutieusement le dossier et dénoncent d'ores et déjà un « conflit d'intérêt manifeste ». Les avocats de Nicolas Sarkozy, Eric Woerth, Patrice de Maistre et François-Marie Banier, Stéphane Courbit et Pascal Wilhelm estiment « qu'il appartient désormais au procureur de Bordeaux de tirer toutes les conséquences de ces atteintes aux droits de la défense et au droit au procès équitable qui a entravé la manifestation de la vérité ». La contre-attaque a commencé, et elle sera féroce !