Les opposants au mariage pour tous ne désarment pas : après deux manifestations très importantes, ils envisagent un nouveau grand rassemblement à la fin du mois de mai. En attendant, ils ont décidé de maintenir la pression en manifestant aux abords du Sénat où débute l’examen du texte, dans l'espoir de peser sur les débats.
Et Jean-Pierre Michel, le rapporteur socialiste du texte, qui a refusé de recevoir le collectif lors des auditions préalables au Sénat, est convoqué au tribunal ce 4 avril, où il comparait pour une plainte en diffamation déposée contre lui par Frigide Barjot, la porte-parole des opposants. Le sénateur avait affirmé dans une lettre que les participants aux manifestations étaient, selon lui, dans un « déni d'homophobie ». Jean-Pierre Michel explique sa position par un désaccord profond avec les idées défendues par le collectif : « Le slogan des opposants, c’est "un papa, une maman et des enfants", c’est-à-dire la famille traditionnelle avec des enfants. Or, ils oublient que c’est une désinformation totale pour ceux qui croient ça. C’est une contre-vérité totale car aujourd’hui la majorité des enfants naissent hors mariage, plus de 50 % des couples mariés divorcent trois ou quatre ans après, les familles monoparentales sont importantes, etc, etc. »
Des opposants toujours mobilisés
Néanmoins, du point de vue du député UMP Philippe Gosselin qui a participé aux manifestations contre le mariage pour tous, il faut tout de même faire attention aux conséquences politiques d'une radicalisation s'il n'y a aucune prise en compte du mouvement. « La pression est en train de monter, affirme-t-il. On est passé d’une opposition résolue au mariage homosexuel, à une opposition contre la politique de la famille menée par ce gouvernement. Et je sens la colère monter, qui pourrait se révéler anti-gouvernementale dans son ensemble. On n’en est pas là mais prenons garde. »
Pour essayer d'enrayer la protestation, François Hollande a voulu rassurer, lors de sa dernière intervention télévisée, en affirmant que la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA), dont les opposants craignent qu’elles ne soient des conséquences directes du mariage gay, n'étaient pas à l'ordre du jour. Mais cela n'a pas convaincu le député UMP Jacques Myard. Pour lui, l’adoption de la loi sur le mariage pour tous ouvrirait bien la voie à ces deux mesures : « Le président lui-même dit qu’il n’y aura pas de GPA. Or la logique veut qu’on aille vers cela et une grande partie de sa majorité le souhaite, de la même manière que la PMA. Donc on voit très bien que ce gouvernement s’est mis lui-même dans les cordes, dans un coin, et que s’il veut en sortir, il doit suspendre un texte imbécile ».
Quel enjeu au Sénat ?
Dans ce contexte, le débat au Sénat va permettre une nouvelle évaluation d’un texte controversé. En commission, le projet de loi a déjà été modifié. Certains amendements, qui font évoluer le texte voté par les députés, ont été adoptés, notamment pour empêcher la pluri-parentalité, sur l'utilisation du nom de famille de manière à faire prévaloir encore le nom du père ou sur le fait de préserver les désignations de « père » et « mère ».
Autant de points qui réjouissent Hervé Mariton, l'un des députés UMP qui s'est opposé le plus farouchement au mariage pour tous et qui l'incitent à penser que tout n'est peut-être pas encore joué. « Le rapporteur du Sénat, explique-t-il, aussi attaché soit-il au texte sur le fond, l’a complètement démantelé dans la version votée à l’Assemblée. C’est un camouflet cinglant… un Sénat qui défait complètement le travail de la majorité à l’Assemblée. J’attends de voir ce que mes petits camarades de la majorité, ici à l’Assemblée, diront ensuite, et puis surtout ce qui serait évidemment le mieux, c’est que le texte soit retoqué au Sénat par une bonne conjonction ».
Le texte peut-il être rejeté au Sénat ? Ce qui est sûr, c'est que la gauche n’y dispose que d'une majorité de six voix. Toute défection peut donc avoir des conséquences. Deux ou trois sénateurs socialistes et deux ou trois radicaux hésiteraient. Mais à droite et au centre aussi, rien n'est inscrit dans le marbre. Cinq ou six sénateurs pourraient voter en faveur du texte ou s'abstenir. Les amendements, la teneur des débats, auront donc certainement un impact sur le vote final au Sénat. Mais même si le texte était rejeté dans cette chambre, cela ne pourrait pas empêcher l'adoption de la loi puisque le texte retournera à l'Assemblée nationale où la gauche a la majorité absolue.
Le recours au Conseil constitutionnel
Les parlementaires UMP opposés au mariage pour tous ont d’ailleurs déjà pris en compte l’hypothèse de l’adoption probable de la loi et ont prévenu qu’ils déposeront un recours devant le Conseil constitutionnel. Jean-Pierre Michel en est conscient mais ne craint pas cette perspective : « J’ai étudié la question avec toute une série de juristes autour de moi… Rien dans la loi, dans la Constitution, n’interdit que la loi prévoie l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et dès l’instant où le législateur prévoit le mariage pour ces couples-là, eh bien le reste suit, c’est-à-dire la parentalité. »
Mariage et adoption, ni plus ni moins, c'est ce que François Hollande avait promis. Mais l’opinion semble évoluer : un sondage vient d’indiquer que les Français sont toujours majoritairement favorables au mariage (53%) mais qu’ils sont de plus en plus nombreux (56%) à être opposés à l’adoption.