Ce n'est pas encore une lune de miel, mais ça commence tout de même à y ressembler : l'annonce du Pacte de compétitivité, le 6 novembre dernier, a séduit des entrepreneurs jusqu'alors plutôt défiants vis-à-vis du gouvernement Ayrault. Pour Sandra Legrand, vice-présidente de Croissance Plus et fondatrice de la société Kalidea, « les mesures qui ont été présentées vont dans le bon sens... Le gouvernement a plutôt montré, ces derniers temps, qu’il était en faveur des entreprises et on espère que cela va durer ! »
Salué par les organisations patronales comme le Medef et la CGPME, le crédit d’impôt constitue la mesure phare de ce Pacte de compétitivité. Financé par une réduction des dépenses publiques et par une hausse de la TVA, le dispositif doit permettre aux entreprises d’économiser vingt milliards d’euros sur trois ans, et donc de retrouver une marge de manœuvre financière qui leur sera précieuse en temps de crise. « Nous ne savons pas encore combien précisément le dispositif va nous permettre d’économiser », explique Sandra Legrand, « mais pour une entreprise comme la mienne, qui compte environ 200 salariés, cela devrait représenter de 300 000 à 500 000 euros. C’est un coup de pouce appréciable, qui va nous permettre à la fois d’investir et d’améliorer notre productivité. »
Quelles contreparties ?
Pour les entrepreneurs, les annonces faites par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault constituent donc, d’une certaine manière, une divine surprise. Mais plusieurs points restent dans l’ombre et suscitent déjà réserves et interrogations. Le principal sujet d’inquiétude concerne les contreparties qui pourraient leur être imposées en échange du fameux crédit d’impôt.
Lors de sa présentation, le 6 novembre dernier, il n’était question que d’un comité de suivi sans réel pouvoir de coercition sur les entreprises. Mais devant le tollé provoqué, à gauche, par cette absence de contrôle, l’exécutif pourrait être tenté de faire machine arrière. C’est en tous cas ce qu’a laissé penser Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie, lors de la Conférence des entrepreneurs. « Dès lors que l’Etat met 20 milliards d’euros sur la table, a-t-il notamment déclaré, il est logique qu’il y ait des contreparties. Certaines seront de nature législative, d’autre de nature contractuelle. »
Contreparties en termes d’emploi, ou en termes d’investissements, aucun scénario n’a été exclu par le ministre. Un flou et une contrainte qui n’ont pas manqué de contrarier les entrepreneurs présents à la conférence. « L’objectif des entreprises, ce n’est pas de se verser des dividendes », s’agace Vincent David, fondateur d’une société de conseil qui emploie 250 salariés pour un chiffre d’affaires de 16 millions d’euros. « Est-ce que vous connaissez un chef d’entreprise qui n’a pas pour objectif d’embaucher pour faire grossir son entreprise ? »
Besoin « d’aller vite »
Enfin, outre la question des contreparties, les entrepreneurs s’interrogent sur le calendrier qui sera adopté par le gouvernement. « Aujourd’hui, il nous faut de l’action, de l’action tout de suite », explique Nicolas Gendrot, fondateur de Kayo, une entreprise spécialisée dans la communication dématérialisée. « On fait face à une crise, on fait face à des besoins énormes, et on a besoin d’aller vite. »
Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie, s’est engagé à engager dès que possible les mesures du Pacte pour la compétitivité, à commencer par le crédit d’impôt. Mais certains entrepreneurs, confrontés à une dégradation brutale de la conjoncture, craignent qu’il ne soit déjà trop tard.