Avec notre envoyé spécial au Palais de justice de Paris, Franck Alexandre
Avant que n’éclate l’affaire, Luc François, responsable de l’activité « Action » à la Société Générale, n’avait jamais entendu parler de Jérôme Kerviel.
Le 18 janvier 2008, on vient le voir, raconte-t-il, et on lui dit : « On a un très très gros problème ». Les services de contrôle de la banque viennent de découvrir que le trader a réalisé fin 2007 un résultat de 1,4 milliard d’euros. Une réunion d’urgence est organisée. Kerviel se souvient que Luc François est arrivé fatigué, les traits tirés, pas rasé.
« On voulait comprendre d’où venait ce profit exorbitant mais Jérôme Kerviel ne parlait pas distinctement. On ne comprenait rien à ses explications ». Au bout de longues heures de discussions, le trader finit par avouer : « Ce que j’ai gagné en 2007, je l’ai perdu depuis ». La banque découvre alors que ses positions sur les marchés s’élèvent à 50 milliards d’euros avec une perte latente de plusieurs milliards. « Le choc est total », reprend Luc François. « Je n’ai pas pu parler pendant quelques secondes ».
Le supérieur de Jérôme Kerviel annonce au PDG de la banque, Daniel Bouton, « si le marché apprend qu’on est exposé comme ça, la Société Générale est morte. Il faut dénouer ces investissements, et vite ». L’opération prendra trois jours. L’affaire Kerviel terminée, Luc François, vingt ans de présence à la Société Générale, a proposé sa démission et la banque l’a acceptée.