Affaire Bettencourt: des journalistes dans le collimateur de la justice

En France, ce sont cinq journalistes qui sont convoqués par la justice dans le cadre de l’affaire Bettencourt. Ils devraient être mis en examen pour violation de la vie privée de Liliane Bettencourt, la richissime héritière de L’Oréal, au cœur d’une affaire qui fait régulièrement les  titres de la presse depuis 2008, entre gros sous, politique et querelle de famille.

Cinq directeurs de journaux et journalistes de l’hebdomadaire Le Point et du site internet Mediapart ont reçu une convocation à comparaître devant un juge chargé de l’affaire Bettencourt au tribunal de Bordeaux. Le directeur et le rédacteur en chef du Point Franz-Olivier Giesbert et Hervé Gattegno seront auditionnés le 29 mars. Leurs confrères Edwy Plenel et Fabrice Arti, directeur et journaliste du site Mediapart, le seront à leur tour le 5 avril, en même temps que Fabrice Lhomme, aujourd’hui au Monde et ancien de Mediapart.

Les deux médias ont publié en juin 2010 de larges extraits de propos tenus par Liliane Bettencourt et enregistrés chez elle, entre mai 2009 et mai 2010, à son insu, par son marjordome. Ce dernier espérait ainsi apporter la preuve que sa patronne était victime d’abus de faiblesse de la part de son entourage. Le majordome avait remis les enregistrements à Françoise Bettencourt Meyers, la fille de Liliane, qui les avaient transmis à la police. Les conversations enregistrées ont donné lieu à l’ouverture de plusieurs enquêtes judiciaires, dont une pour atteinte à la vie privée alors que le dossier a été dépaysé à Bordeaux en novembre 2010.

Les cinq journalistes devront répondre au juge Jean-Michel Gentil pour avoir « conservé, porté ou laissé porter à la connaissance du public (…) l'enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ». Ils pourraient être mis en examen pour « atteinte à l'intimité de la vie privée ». Cela, malgré le fait que la Cour de cassation a accepté, le 31 janvier, la valeur probante des enregistrements clandestins de l'héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, et donné ainsi son feu vert à une enquête sur ses liens financiers supposés avec la majorité.

Cette apparente contradiction n’en est pas vraiment une selon la Cour de cassation. En effet, pour la plus haute instance judiciaire de France, le fait de valider comme preuve les enregistrements n’empêche pas que le fait de les avoir réalisés, ou d’en publier le contenu, puisse tomber sous le coup de la loi.

Une affaire, des affaires

Mis en cause aujourd’hui, Edwy Plenel pour Mediapart, se défend de n’avoir diffusé « que des informations d’intérêt public » sur l’affaire comme celles qui ont abouti au remboursement de fortes sommes au fisc français, ou celles touchant à des conflits d’intérêt concernant des personnalités publiques. Le patron du site internet affirme par ailleurs n’avoir « rien publié de ce qui relevait de l’intimité de Mme Bettencourt ».

Dans le dossier qui opposait la mère à la fille depuis quatre ans, la cour d’appel de Versailles a confirmé le 18 janvier, la décision de laisser Liliane Bettencourt, âgée de 89 ans et affaiblie intellectuellement, sous la tutelle de sa fille Françoise Bettencourt Meyers et de ses deux petits-fils. Cette action avait été intentée notamment après que Françoise Bettencourt Meyers a constaté que sa mère avait fait bénéficier le photographe François-Marie Banier, un ami proche de sa mère, de sommes très importantes. Dans le cadre de l'affaire Bettencourt instruite à Bordeaux, M. Banier a été mis en examen en décembre 2011 pour abus de faiblesse, abus de confiance, escroquerie aggravés et blanchiment.

Dans un autre volet du dossier Bettencourt, concernant cette fois des soupçons de financement politique illégal, un ancien ministre du Travail de Nicolas Sarkozy, Eric Woerth, qui fut également trésorier du parti présidentiel UMP, a été inculpé de trafic d'influence passif et de recel.

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