Elle est le plus fidèle grognard de Nicolas Sarkozy. Mercredi 4 janvier, lorsque Le Parisien raconte dans un entrefilet que François Hollande a traité le président de « sale mec » (l’information sera rapidement démentie), Nadine Morano s’emporte. « J’exige des excuses publiques à l’endroit du chef de l’Etat. Ce n’est pas digne d’un candidat à l’élection présidentielle », déclare-t-elle au micro de BFMTV à la sortie du Conseil des ministres.
Nadine Morano est ainsi. Quand on attaque le président ou sa politique, elle réplique aussitôt. Un réflexe probablement hérité du temps où elle était porte-parole de l’UMP. A l’époque, déjà, elle avait tiré de son goût pour la polémique des surnoms élogieux, tels que « Madame Sans-Gêne » ou « Castafiore ».
L’arme Twitter
Lorsque les médias ne lui donnent pas la parole, c’est sur Twitter que Nadine Morano continue son combat. La ministre chargée de l’Apprentissage et de la formation professionnelle a découvert le réseau social le 25 novembre 2011. Depuis, elle y défend les actions gouvernementales et attaque ses adversaires politiques, PS en tête. François Hollande est sa cible préférée. Le 31 décembre, alors que ses collègues du gouvernement se préparent à réveillonner en famille, Nadine Morano est aux aguets, prête à commenter les vœux du candidat socialiste. Et à 18h55, là où un seul message aurait probablement suffi, elle mitraille :
- « Les vœux de Hollande : fades sur la forme, ultra plats sur le fond ! »
- « Hollande a loupé la première marche de 2012. Plus je le vois. Plus je l'écoute, plus je me dis qu'on ne s'improvise pas Homme d'Etat ».
- « On aurait pu s'attendre à un discours musclé, de l'énergie, de l'originalité. En fait du Hollande : attitude molle assez théâtrale ».
- « Vœux de Hollande : attitude molle, théâtrale, moulinets de mains pour accompagner des propos creux ».
- « Vœux de Hollande : une forme de continuité avec Ségolène Royal en 2007 beaucoup d'idéologie, pas d'idée concrète ».
Entre ces joutes verbales à sens unique, parfois, souvent, Nadine Morano dérape, raconte sa vie personnelle et multiplie les fautes d’orthographe. Ses tweets ont déjà fait d’elle une figure incontournable du site de microblogging. Elle compte près de 25 000 abonnés et affirme, pas peu fière, en gagner 1 000 par jour fin décembre. Cette passion démesurée pour le réseau social lui a valu un portrait au vitriol dans Télérama : « Nadine Morano, une ministre qui badaboum-boum-bling-paffe à cœur joie sur Twitter ».
Haro sur Morano
Dès les premiers jours de janvier, le phénomène @Nadine_Morano (son pseudo sur Twitter) se transforme en battage médiatique. Il n'y a pas un site d’information qui ne fasse un sujet sur elle. On l'invite sur les plateaux de télévision et dans les studios de radio. En n’hésitant pas, parfois, à l’égratigner au passage. Mercredi 4 janvier, la ministre est l’invitée de France Inter. Dans sa chronique, l’humoriste Sophia Aram la qualifie de vulgaire.
Le lendemain, c’est au tour de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV de renvoyer la ministre dans les cordes. Interrogée sur le taux de la TVA en Allemagne, Nadine Morano lui répond : « La TVA en Allemagne est plus élevée que la nôtre, elle est de trois points supérieure à la nôtre ». « Vous dites des bêtises, elle est de 19 points en Allemagne. La nôtre est de 19,6, lui rétorque alors le journaliste, visiblement excédé. Mais vous dites des bêtises Nadine Morano, vous ne maîtrisez pas le sujet ! Pardonnez-moi de vous le dire ! ». Elle n’en est pas à sa première gaffe. En avril déjà, sur le plateau de Canal+, elle avait confondu Renault le constructeur avec Renaud le chanteur.
Impunité
Mais même sous le feu des critiques, Nadine Morano ne se laisse jamais abattre. Elle réplique, surenchérit, cultive le buzz et maintient sa position sur le front médiatique. Alors que la présence d’Eric Besson sur Twitter lui aurait valu des reproches présidentiels, Nadine Morano, elle, continue de distiller ses messages en 140 caractères en toute impunité. Elle a montré ses tweets à Nicolas Sarkozy qui n’y a rien trouvé à redire, affirme-t-elle.
Le président pourrait lui intimer l’ordre de se taire, estimant que ses sorties ne contribuent pas à donner une bonne image du gouvernement ; elle semble au contraire encouragée à continuer. Elle pratique à merveille le lent et méticuleux travail de sape de l’opposition. Avec ses déclarations provocatrices, Nadine Morano paraît vouloir empêcher le débat politique de s'élever. Bruno Le Roux, le porte-parole de François Hollande, a déjà prévenu : l'équipe du candidat socialiste ne se laissera pas entraîner sur le terrain des petites phrases stériles. « On n’a pas de cellule de ' snipers-basses-œuvres ' comme à l’UMP, on n’en aura pas », a-t-il annoncé.
Surtout, Nadine Morano accapare l’attention des médias, les détourne de la tentation d’analyser le bilan de Nicolas Sarkozy. Elle « est l’arbre qui cache le désert des idées, du débat, des propositions et pour finir de la politique », écrit une internaute sur le site du Nouvel Observateur.
Des origines modestes
Gouailleuse et bagarreuse, Nadine Morano joue la carte de l’authenticité. Son père était ouvrier. Des origines modestes qu’elle ne manque jamais de rappeler. Dans une interview accordée au quotidien Libération vendredi 6 janvier, elle fustige ainsi les attaques dont elle est la cible, « dignes d’une gauche caviar qui déteste les ouvriers de droite ». « On cherche à m’atteindre par mes origines populaires dont je suis fière », affirme-t-elle encore.
En mettant en avant une ministre aux origines modestes en laquelle les catégories populaires peuvent s’identifier, Nicolas Sarkozy tenterait-il de récupérer les voix de ces Français de plus en plus séduits par le vote FN, comme il l’avait fait en 2007 ? C’est bien possible. Toujours est-il que la stratégie, si stratégie il y a, semble être considérée comme étant la bonne : selon Libération, Nadine Morano serait pressentie pour être la porte-parole de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.