L'espoir des «indignés» de la Défense

Depuis le 4 novembre, les « indignés » parisiens sont installés dans le quartier de la Défense, le centre d’affaires de la capitale. Beaucoup moins nombreux que leurs homologues madrilènes, new-yorkais ou israéliens, et harcelés en permanence par les forces de police, ils peinent à mobiliser. Pourtant, ils croient en leur pouvoir de faire bouger les choses.

Ils sont quelques dizaines, à l’ombre de la Grande Arche de la Défense. Ils rassemblent les rares affaires épargnées par la charge des CRS de la veille qui a réduit leur campement à néant. Ce qui était un camp organisé, avec une bibliothèque, une cuisine, une pharmacie et un vestiaire, n’est plus qu’un amoncellement de couvertures et de cartons. Mais loin de décourager les « indignés », la répression policière ne fait au contraire que renforcer leur mouvement. « Voir la police se battre pour des cartons et contre nous alors que nous sommes totalement pacifistes me motive encore plus », s’exclame Louise, étudiante en première année d’anglais.

Voilà maintenant près de deux semaines que les « indignés » sont là. Sur ces quelques mètres carrés de béton balayés par le vent, dans ce campement fait de bric et de broc, ils ont créé une micro cité telle qu’ils l’idéalisent, égalitaire et non-violente. Régulièrement, des descentes de police viennent la mettre à sac. Et patiemment, les « indignés » la reconstruisent avec des cartons, des palettes et des rouleaux de moquettes glanés ça et là, pour isoler les couchages des dalles glaciales de l’esplanade.

« Un laboratoire de démocratie »

Des assemblées populaires sont organisées quotidiennement pour débattre sur des thèmes variés comme l'écologie, la justice ou l'éducation. Tout ce qui est dit est scrupuleusement noté par une secrétaire dans le but final de rédiger une charte.  D'autres réunions sont mises en place pour décider d’actions communes, ou tout simplement organiser la vie du camp. Les décisions ne sont pas prises à la majorité mais à l’unanimité. « C’est un laboratoire de démocratie », sourit Wani, 24 ans, doctorant en informatique. « Notre but est de créer un système parallèle de celui dans lequel nous vivons où le pouvoir n’appartient qu’à un petit groupe de puissants. En nous rassemblant en réseau avec les autres mouvements d’« indignés » de la planète et en mobilisant les citoyens, nous voulons lui donner une ampleur telle qu’il finisse par s’imposer », explique Guillaume, 29 ans, ingénieur en informatique.

Mais le mouvement peine à fédérer. Alors qu’à New York, Madrid ou en Israël, les « indignés » se comptent par milliers, ils ne sont qu’une poignée à Paris. Au plus fort de la mobilisation le week-end du 11-Novembre, ils étaient 400. Le reste du temps, seule une trentaine occupe l'esplanade en permanence. D'autres viennent les rejoindre à la sortie de leur travail, passent quelques heures avec eux. Avant de repartir, ils les encouragent et leur recommandent de « ne rien lâcher ». Les manifestants tentent d'expliquer leur faible nombre. « C’est parce qu’en France, la situation est moins catastrophique qu’ailleurs », avance Isabelle, la mère de Wani. « Et aussi parce qu’il y a beaucoup plus de répression en France, poursuit Maïté, une jeune étudiante. En Espagne, on les laisse vivre. Ils peuvent donc se faire entendre plus facilement ». « C’est également parce qu’en France, on est davantage habitué à militer au sein de partis classiques », affirme encore Isabelle. Certains de ceux-là ont d’ailleurs tenté de récupérer le mouvement. En vain. « Si on entre dans le jeu du pouvoir, comment pourrons-nous le combattre ? », demande Wani.

Solidarité

A midi, des riverains viennent ravitailler les « indignés », avec des sandwichs achetés au supermarché voisin, des plats chauds cuisinés ou des cartouches de cigarettes. A chaque fois, une ovation générale les accueille. « Ce sont eux qui nous font vivre », remarque Isabelle.

Une buvette est installée. Les « indignés » proposent aux passants du jus d’orange ou des boissons chaudes. C’est aussi l’occasion d’échanger. La plupart leur expriment leur soutien. Quelques-uns doutent tout de même de la capacité du mouvement à changer le système. « Il faudrait une prise de conscience beaucoup plus grande. Mais depuis toujours, on nous matraque avec le fait qu’on ne peut s’en sortir qu’individuellement. C’est difficile de sortir de cette logique de l’individualisme », se désole une autre Isabelle, venue profiter de sa pause déjeuner pour discuter avec les manifestants.

Les « indignés », eux, croient dur comme fer en leur victoire, persuadés que la crise que l’on pensait terminée et les milliers de suppressions de poste annoncés vont faire gonfler leurs rangs. Maintenant que la machine est lancée, elle ne peut plus s’arrêter, assurent-ils. « Notre campement a une durée de vie limitée mais il est symbolique. Il crée de la solidarité et pose les bases d’un nouveau système, affirme Guillaume. On commence à préparer le lendemain ».

Pour aller plus loin :
A lire sur Rue89 : « Pourquoi le mouvement des Indignés ne prend pas en France »

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