Le cheveu gominé, coiffé en arrière, le costume croisé, le sourire à la Fernandel et l’accent qui va avec : Jean-Noël Guérini fait partie de ce qu’on appelle en France « les barons locaux », ces élus devenus tout-puissants dans leur fief grâce à la décentralisation et aux pouvoirs accrus des collectivités locales. Jean-Noël Guérini préside le Conseil général des Bouches-du-Rhône. Plus que jamais. Quitte à embarrasser le Parti socialiste et son candidat à la présidentielle, François Hollande.
Après sa mise en examen en septembre pour prise illégale d'intérêts et association de malfaiteurs dans une affaire de marchés publics présumés frauduleux impliquant son frère Alexandre, Jean-Noël Guérini avait accepté, à la demande du PS, de se « mettre en retrait ». Patatras ! La justice a remis Guérini en selle, en lui ordonnant de reprendre tous les pouvoirs qu’il avait délégués. Ce qu’il a fait ce vendredi, sans trop se faire prier. Et en refusant de démissionner, comme le lui demande le PS. « La collectivité est autonome et n'a pas à se plier aux décisions du PS. Ce n'est pas le PS qui m'a nommé président ». Ce que reconnaît un brin embarrassé le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon : « Nous avons peu d'instruments puisqu'il est président de plein droit de l'exécutif ».
Jean-Noël Guérini prend même un malin plaisir à narguer la rue de Solférino. « Je pourrai envisager de démissionner lorsque tous les élus du PS condamnés définitivement, et ils sont nombreux malheureusement, auront également démissionné de toutes leurs fonctions exécutives », a déclaré l’homme fort des Bouches-du-Rhône, liste à l’appui.
Une fédération parmi les plus puissantes
Statu quo et dialogue de sourds. Jean-Noël Guérini joue avec les nerfs des « Parisiens ». Tant qu’il n’est pas condamné par la justice, il reste de plein droit membre du PS. Et continue de peser sur la fédération des Bouches-du-Rhône, l’une des plus puissantes dans la nomenklatura socialiste. L’une de celles qui font et défont les congrès, grâce à leurs milliers d’adhérents qui votent souvent comme un seul homme - en l’occurrence le patron.
Les proches de Ségolène Royal s’en souviennent, convaincus qu’entre les deux tours de l’élection du premier secrétaire au congrès de Reims de 2008, Guérini a lâché l’ancienne candidate à la présidentielle au profit de Martine Aubry. Laquelle, pendant bien longtemps, s’est abstenue de le mettre en difficulté, allant jusqu’à enterrer le rapport d’Arnaud Montebourg qui dénonçait les dérives « clientélistes » de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône.
La droite locale, depuis, s’en donne à cœur joie. L’ennemi juré de Jean-Noël Guérini à Marseille, le député UMP Renaud Muselier (par ailleurs président de l’Institut du monde arabe), vient même de sortir un livre, Le système Guérini. Guérini, cette faille, ce boulet que les socialistes prompts à dénoncer les dérives du sarkozysme vont devoir traîner encore bien longtemps.