Elle veut toujours y croire, lui refuse de douter. Martine Aubry et François Hollande entament leurs derniers jours de campagne, forts de leurs convictions respectives. Et après l’ultime débat télévisé où aucun des deux n’a véritablement pris l’ascendant, chacun poursuit son chemin vers les électeurs en essayant d’affirmer certes ses idées, mais aussi sa personnalité.
Martine Aubry se montre incisive et tente de prendre son adversaire en défaut. Et pour y parvenir, elle en appelle à la fois aux références familiales et au bon sens populaire. La candidate a ainsi déclaré lors d’une interview sur RTL, au lendemain du débat avec François Hollande : « Ma grand-mère disait : quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ». Chercher le loup dans le programme de son adversaire, c’est pointer ce qu’elle estime être au pire de mauvaises idées, au mieux des hésitations. Par exemple, sur la position de François Hollande concernant la règle d’or, le contrat de génération ou sur le financement des emplois dans l’éducation.
L’objectif non dissimulé de Martine Aubry est de mettre en évidence un trait supposé du caractère de son adversaire : son incapacité à trancher fermement et définitivement. Bref, elle veut montrer qu’il incarne ce qu’elle ne cesse d’appeler la « gauche molle ».
Eviter le piège de la « surenchère »
Face à cette tactique, François Hollande a évité le piège de la réponse du tac au tac et donc du risque de ce qu’il décrit comme « une surenchère, une escalade dans les mots ». Il a ainsi déclaré : « Je n’ai pas besoin, moi, de dénigrer ».
Depuis le début de la campagne, le député de Corrèze, placé en position de favori par les sondages puis par le vote du premier tour de la primaire, essaie de s’élever au-dessus de la mêlée, pour se positionner en rassembleur. A quelques jours du scrutin final, il ne veut pas avoir l’air de céder à la pression, même si bien sûr il est obligé de répondre sur certaines attaques, notamment celle sur son manque de détermination. Il a ainsi déclaré sur Europe 1 : « Je ne veux pas tomber dans ces caricatures. Il n’y a pas ici des durs et des mous… La gauche n’a à être ni sectaire, ni fragile, elle a à être elle-même ». François Hollande ne veut pas avoir l’air de recevoir des leçons de gauche de la part de Martine Aubry.
Une chose est sûre, François Hollande a plus à perdre qu’à gagner dans un durcissement de la compétition, surtout depuis qu’il a reçu le soutien de son ex-compagne Ségolène Royal, après ceux de Manuel Valls et Jean-Michel Baylet, qui en font plus que jamais le favori. La grande « déçue » du premier tour a, en effet, décidé juste avant le dernier débat télévisé, de rallier le camp Hollande. Une décision à laquelle le député de Corrèze a rendu hommage lors d’un déplacement jeudi 13 octobre, en déclarant que Ségolène Royal s’était « hissée au rang de femme d’Etat ». Autrement dit, qu’elle avait fait le choix de la raison au nom de l’intérêt général. La présidente de la région Poitou-Charentes avait, en effet, justifié sa décision notamment par le fait qu’il fallait permettre au candidat socialiste arrivé en tête le 9 octobre, d’être élu avec une marge suffisamment importante pour créer un élan derrière lui.
L’impact Royal ?
Dans le camp de Martine Aubry, l’impact de cette annonce a été immédiatement relativisé. La maire de Lille en a pris acte et déclaré qu’elle respectait la décision de la présidente de la région Poitou-Charentes. Elle a même annoncé que si elle gagnait la présidentielle, elle donnerait des responsabilités à Ségolène Royal. Et l’un des ses principaux soutiens, l’adjointe au maire de Paris, Anne Hidalgo, a estimé que Martine Aubry portait des thématiques proches de celles de Ségolène Royal sur l’écologie, la moralisation ou le cumul des mandats. Une manière de s’adresser, par-delà les consignes de vote, directement aux électeurs de la présidente de la région Poitou-Charentes, en leur rappelant que Martine Aubry était mieux à même de défendre leurs idées.
Martine Aubry a aussi pris soin de répondre, la première et par écrit, à la lettre envoyée par Arnaud Montebourg à chacun des deux finalistes de la primaire pour leur demander des explications sur les sujets qui lui sont chers : démondialisation, contrôle des banques… La maire de Lille a ainsi affirmé, en guise d’assurance à l’attention du député de Saône-et-Loire : « Nos idées se renforcent ». Prudent, Arnaud Montebourg, qui avait rassemblé plus de 17% des voix au premier tour, a néanmoins choisi de prendre son temps pour indiquer qui il soutiendrait finalement pour le deuxième tour de la primaire. Certains membres de son entourage laissant même penser qu’il ne donnerait pas de consigne de vote officielle et indiquerait peut-être simplement son choix personnel. D’autres proches affirmant ensuite qu’il se prononcerait au terme des « consultations » avec les deux candidats. Des tergiversations qui entretiennent un certain suspense et même un peu de confusion, alors que l’échéance se rapproche. Des tergiversations, qui montrent aussi qu’entre les idées, les affinités et les intérêts, les choix sont parfois difficiles à faire.