Michel Angelo Pistoletto partage sa ré-évolution

Quand certains rêvent de révolution, Michel Angelo Pistoletto imagine la « ré-évolution » pour changer le monde par l’art. Un leitmotiv chez cet artiste philosophe, fondateur de l’Arte Povera à qui la ville de Bordeaux a donné les clefs le temps d’un évènement baptisé Evento. Un rendez-vous artistique et urbain gratuit qui dure jusqu’au 16 octobre.

RFI : Changer le monde c’est sérieux ?

Michel Angelo Pistoletto : Oui, c’est très sérieux ! Il faut changer le monde. Le monde demande à changer. C’est la société qui le demande.

RFI : Est-ce que ce n’est pas un peu une utopie ?
 
M.A.P. : Oui bien sûr ! Il faut partir toujours des utopies parce que c’est après l’utopie qu’on peut organiser des évènements qui réalisent l’utopie.

RFI : C’est le propre des artistes et de l’art de changer le monde ?
 
M.A.P. : C’est de l’utopie, mais c’est aussi un projet. Je travaille sur un projet et les projets vont après être réalisés. L’utopie devient réalité à travers un travail, un travail qui continu dans le temps depuis toujours. L’utopie devient réalité.

RFI : Aujourd’hui, vous êtes directeur du festival Evento. Ce sont dix jours à Bordeaux où l’on peut assister à des évènements de toute nature ; c’est à la fois du théâtre, de la musique, des expositions… Comment définir ce rendez vous  parce ce que ce n’est pas à proprement parler un festival, cela ressemble à une grande messe participative où tout est gratuit par ailleurs.
 

M.A.P. : C’est plutôt un changement de direction soit dans le système artistique, soit dans un système social politique. Les deux choses se retrouvent ensemble pour changer ensemble. Les biennales, normalement, sont des plateformes artistiques à coté d’une ville. Là il n’y a pas de plateforme à coté. La ville est elle-même la plateforme. Le concept de changement est dans la structure même de la vie sociale. On a invité des artistes capables de travailler avec les gens, travailler avec les citoyens pour produire soit des effets remarquables, soit des effets qui vont rester.

RFI : Par exemple ?
 
M.A.P. : On a crée les chantiers de savoirs partagés. On a mis ensemble plusieurs structures de la ville, entre 120 et 150 associations de tous genres. De la politique à l’économie, à la culture, aux sports, à l’éducation. Tous ensemble on a crée des lieux qui vont être durables, qui vont rester dans la ville. Mais on verra ce qu’on a fait dans les dix jours parce qu’on fera beaucoup de manifestations qui vont montrer comment les gens, ensemble, vont créer un espace, un temps, un sens de rapport très fort.

RFI : Ensemble, c’est important pour vous. Le collectif prime sur tout, ce qui peut paraître paradoxal pour un artiste.
 
M.A.P. : Pour partager il faut s’organiser parce qu’on ne peut pas partager sans avoir des systèmes de collaboration, des systèmes qui permettent le partage. Les chantiers de savoirs partagés sont là pour donner, pour amener du savoir aux gens. Savoir comment partager. Dans la masse, normalement, les individus n’ont pas de pouvoir : Ils ont des désirs. Parfois ils ont des rages mais il faut éviter que cette rage prend le pouvoir, qu’il devient actif, il faut prévenir tout cela en donnant la possibilité aux gens de savoir s’unir pour donner des réponses utiles, même à l’administration de la ville.

RFI : C’est ce que vous appelez la « ré-évolution », en opposition avec révolution ou en complément ?
 
M.A.P. : Les deux mots jouent ensemble. Je ne suis plus pour une révolution mais pour une « ré-évolution ». On revoit le passé pour en faire un futur tout nouveau. La « ré-évolution » c’est notre engagement pour travailler pas contre quelque chose mais pour proposer quelque chose

RFI : Quel est le regard que vous portez sur la crise actuelle ? Sur la crise économique, morale, structurelle ?
 
M.A.P. : Je vois que la crise actuelle est annoncée par beaucoup de choses. En plus, dans mon livre Le Troisième paradis, je la mets dans le deuxième paradis ; c'est-à-dire à l’extrême évolution de ce paradis artificiel. Nous allons nous trouver dans une impasse difficile à se repérer. Donc il n’y a qu’à se mettre en condition d’unifier le premier paradis, la nature, et le deuxième paradis, l’artifice. Pour en avoir un troisième qui dépasse les grands problèmes actuels. Si on n’arrive pas au troisième paradis, ils finiront être de plus en plus provocateurs de crise et on va difficilement en sortir.
 

Le site officiel du festival Evento, du 6 au 16 octobre 2011 à Bordeaux.

 

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