Sans dresser un bilan définitif, on peut tout de même déjà observer que l’exercice, inédit en France, d'une consultation ouverte au-delà des seuls adhérents d’un parti à tous les citoyens, a fait bouger les lignes dans les formations politiques. L’organisation d’une primaire a créé une dynamique et a donné au Parti socialiste l'image d'un mouvement moderne qui a réussi à surmonter ses vieux démons, notamment celui de la division.
Le député Jean-Jacques Urvoas, ex-proche de Dominique Strauss-Kahn rallié aujourd'hui à François Hollande, s'en réjouit : « Nous avons démontré que nous pouvions débattre sans nous combattre, ce qui, au regard de l’habitude du Parti socialiste, est une nouveauté. Ensuite, nous avons montré que nous pouvions parler de politique en intéressant la population et c’est plutôt porteur pour l’élection présidentielle. Et puis, surtout, nous avons réussi à entretenir un désir d’alternance qui passera par un candidat socialiste puissant ».
« Débattre sans combattre »
Le bilan serait donc 100% positif ? C'est à voir. Le chercheur et enseignant en science politique Olivier Rouquan estime qu'il ne faut pas croire d'ores et déjà que la primaire est la solution miracle qui va permettre au Parti socialiste de devenir irréprochable et imbattable.
Il faut au moins attendre la troisième mi-temps, celle du rassemblement souhaité (mais pas encore réalisé) derrière le candidat désigné, pour s'assurer que les mentalités ont bien changé au PS et que ce candidat ne sera pas confronté, comme Ségolène Royal en 2007, aux coups tordus de ses ex-concurrents, à l'époque Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn.
Malgré tout, Olivier Rouquan pense que cette expérience plutôt réussie des socialistes va forcément pousser la droite à réfléchir, elle aussi, à son application : « Si dans tous les cas, les primaires, parce qu’il faut toujours rester prudent, suscitent une participation honorable, si ces primaires sont un succès jusqu’au bout et que les divisions éventuelles ne font pas de dégâts dans l’après-primaire, la droite sera forcément intéressée par ce dispositif, par sa mise en place, d’autant qu’il est clair que sans parler de crise de leadership, il y a de plus en plus d’incertitudes que les querelles se réveillent. Donc, oui, la droite pourrait être intéressée ».
Pourtant à l'UMP, pendant des mois, le mot d’ordre a été de tout faire pour essayer de discréditer la démarche des socialistes. Des critiques ont ainsi été émises sur l'organisation de la primaire, le manque d'intérêt des débats et même le risque de « fichage » des citoyens qui vont participer à la désignation du candidat socialiste.
Certains membres de l'UMP sont toujours irrémédiablement réfractaires à la primaire et n'y voient pas une expression démocratique, bien au contraire. Parmi eux, le député Lionel Luca, qui appartient au courant dit de la « droite populaire ». Il ne mâche pas ses mots : « Je trouve cela particulièrement choquant qu’on puisse afficher ses opinions politiques de cette manière, publiquement. Donc j’invite tous les citoyens, pour savoir qui vote à gauche, à aller devant les bureaux de vote... Je pense qu’on a juste oublié que les primaires existaient dans la Constitution de la Ve République, c’était le premier tour des élections ».
Vers des primaires à droite ?
Ce point de vue tranché n'est pas forcément le plus représentatif à l'UMP aujourd'hui. Il y a eu incontestablement une évolution dans l'appréciation des choses et dans l'expression des points de vue. François Fillon lui-même a estimé récemment que ce système de primaire était « un processus moderne qui convient à droite comme à gauche pour toutes les grandes élections ».
Pour toutes les grandes élections, certes, mais pas pour la présidentielle de 2012 puisque Nicolas Sarkozy est président sortant et donc candidat incontestable. Ce que confirme le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé : « Ce n’est pas un sujet d’actualité immédiate. Pour 2017, de toute façon, ce n’est pas vraiment un débat puisque les primaires sont prévues par nos statuts. Le moment venu, ce sera donc des discussions qu’on aura. Mais enfin, comprenez qu’on n’est pas vraiment dans la désignation du candidat pour 2017. Et c’est moi qui vous le dit, je suis d’autant plus à l’aise ! On est tous sur 2012 quand même et sur la réélection du président de la République, pour lequel il n’y a pas de débat sur les primaires. Il n’y a pas de débat sur le fait que c’est Nicolas Sarkozy ! »
Une idée de droite à l’origine
Il n'y a pas de débat, c'est un peu vite dit. Et même si c'est le cas, certains à l'UMP regrettent cette situation, comme le député de Paris Claude Goasguen qui déclare : « Les primaires socialistes vont certainement servir d’exemple aux autres partis politiques et je le souhaite ardemment, car aujourd’hui, je trouve très bien que des sympathisants puissent donner leur avis. Donc je crois que tôt ou tard, l’UMP le fera. Le plus tôt sera le mieux. Vous savez, c’est une idée de droite à l’origine cette affaire… Moi j’aurais souhaité que cela ne soit même pas seulement cette année mais bien avant ».
Quant au centriste Hervé Morin, qui a été l’un des premiers dans la majorité à manifester son intérêt pour cette démarche, il est convaincu qu’après l'expérience socialiste, la primaire va s'imposer : « Vous imaginez le booster et le tremplin pour celui qui sortira de ce suffrage ! Et donc je crois profondément que tous les partis politiques seront amenés à un même exercice à la prochaine présidentielle ». Réponse dans cinq ans.