Un ton posé, pas d’accrochages, mais des prises de position tranchées. Les candidats à la primaire socialiste ont tenu un dernier débat dans la veine du précédent : sans s’agresser, ils ont chacun essayé de faire diplomatiquement la différence avec leurs camarades. Quelques accrocs notables se sont tout de même produits, notamment entre les deux favoris des sondages, François Hollande et Martine Aubry. Mais les acquiescements et les références des uns aux autres ont été plus nombreux, laissant transparaître de probables volontés d’alliances en vue du second tour. Plusieurs thèmes étaient au programme de ce débat de deux heures : la gouvernance économique, les retraites, la santé, l’éducation et les banlieues.
« La démondialisation, ça ne marche pas »
Comme lors du premier débat, c’est l’économie qui a ouvert les discussions, crise oblige. Et c'est encore sur ce thème que quelques passades stratégiques se sont produites. Notamment entre Manuel Valls d’un côté, Ségolène Royal et Arnaud Montebourg de l’autre. Dans la journée, le maire d’Evry avait déclaré que les promesses de ses deux rivaux en matière économique étaient « démagogiques ». Il a expliqué à l’occasion du débat qu’il « faut dire la vérité, quand on dit qu’on va démondialiser, qu’on va mettre sous tutelle les banques, qu’on va interdire les licenciements boursiers, cela ne va pas marcher », se référant à des promesses de ses deux adversaires. Montebourg a rétorqué que son « programme ne consiste pas à distribuer des chèques-vacances à tout le monde ». Ségolène Royal s’est, elle, défendu en citant les réussites au sein de sa région Poitou-Charentes dont elle s’est inspirée pour faire ses propositions, par exemple sur la prise de participation de la puissance publique dans le capital d’une entreprise qui veut licencier, citant ainsi le groupe Heulliez. Des interventions que n’a pas reniées François Hollande.
Les candidats étaient spécialement invités à s’exprimer sur l’Europe. Ségolène Royal a pris des accents de Victor Hugo, lançant qu’elle souhaitait faire les « Etats-Unis d’Europe ». Interrogé pour savoir si le fait que 21 gouvernements européens sur 27 soient de droite serait un problème pour un président socialiste, François Hollande a déclaré qu’il prendrait « l’Europe comme elle est » et s’est référé aux succès du duo Mitterrand-Kohl. Jean-Michel Baylet, le candit des radicaux, a lui réitéré sa volonté de mettre en place une « Europe fédérale ».
Aubry affûte sa stratégie
Martine Aubry a, elle, profité de ce thème pour souligner une convergence de vue avec Arnaud Montebourg, sur la « taxe sur les produits venant de pays ne respectant pas assez de normes sociales et environnementales ».Une déclaration qui n’est sans doute pas dénuée d’intention : Montebourg semble en pleine ascension dans les sondages, et la maire de Lille ne serait pas fâchée de rallier ses voix au second tour pour tenter de contrer François Hollande.
Deux autres attaques, plus discrètes, de Martine Aubry ont d’ailleurs semblé viser François Hollande. Verbatim : « J’ai mis trois ans à rassembler le PS » après être devenue premiere secrétaire, une façon de sous-entendre qu’il était divisé quand elle a succédé à son rival. Puis : « On ne pourra pas battre une droite dure avec une gauche molle », allusion à peine cachée au « président normal » que veut être Hollande, réputé pour sa volonté constante de compromis. La maire de Lille a par ailleurs cherché à reprendre la stratégie de Hollande lors du précédent débat, essayant plusieurs fois d’avoir la conclusion sur un thème, tout en se plaçant en rassembleuse : « On montre collectivement une belle image de la gauche », a-t-elle souligné en parlant du débat.
Un débat qui a également porté sur les retraites. Et si les échanges ont été plus calmes, des points de vue ont nettement différé : Manuel Valls est d’accord avec Jean-Michel Baylet sur la nécessité d’une retraite par points, mais « pas d’ambiguïté, je ne ferai pas croire aux Français que je reviendrai à la retraite à 60 ans », assure-t-il. Un engagement qu’il est le seul à prendre clairement, se détachant du projet socialiste. Et c’est là encore un point de désaccord profond avec Ségolène Royal et Arnaud Montebourg, qui garantissent tous deux de remettre l’âge légal à 60 ans, alors que la droite l’a augmenté à 62 ans. Jean-Michel Baylet cite lui en exemple la retraite par points « comme en Suède » qu’il souhaiterait instaurer. Assez proche de cette idée, Aubry évoque un « Etat qui protège et laisse de la liberté ».
Aubry-Hollande, acte deux
Les candidats ont également parlé de santé, tombant globalement d’accord sur la nécessité de revoir la loi Bachelot et de repenser la réforme de l’hôpital public. C’est sur l’éducation que quelques échanges vifs ont également eu lieu, particulièrement entre les deux favoris des sondages.
Le député de Corrèze est bien le seul à avoir promis de rétablir les 60 000 postes supprimés par Nicolas Sarkozy depuis cinq ans. Une proposition facile à critiquer, risquée et difficile à défendre. Il a assuré qu’elle coûterait « 500 millions par an, donc 2,5 milliards, c’est l’équivalent du bouclier fiscal », et affirmé : « je suis pour un bouclier scolaire permettant aux enfants d’être mieux accompagnés ». La maire de Lille tranche : « On ne pourra pas reprendre les recettes de la gauche d'avant, à savoir uniquement des embauches », dit-elle d’un ton sec. Elle détaille : « Il faut mettre de la formation, donner de l’autonomie aux enseignants sur les temps scolaires, revaloriser les salaires des enseignants qui sont 20% en dessous de la moyenne européenne ». Comme dans le reste du débat, François Hollande restera relativement en retrait face aux attaques « aubrystes », une manière évidente de ne pas prendre de risque, alors que les sondages le créditent chaque jour d'un pourcentage plus confortable.
Hors de ce duel, Arnaud Montebourg souligne ses convergences avec François Hollande, Manuel Valls veut « une réforme des rythmes scolaires, un allongement du nombre de jours de cours », Ségolène Royal promet qu’elle rendra « aux enseignants leur année de formation professionnelle » et qu’elle mettra en place « l'aide aux devoirs gratuits ». Jean-Michel Baylet, qui profite du thème de l‘éducation pour rappeler au moins pour la cinquième fois qu’il est « radical-socialiste », juge que le plus important « c’est de revenir à la carte scolaire », supprimée sous Sarkozy.
Dernier point, les banlieues et la montée de l’islam, l’occasion d’un baroud d’honneur pour le maire d’Evry Manuel Valls, qui, comme tous, souligne l’importance d’investir dans l’emploi, la sécurité, et de préserver la laïcité.
Sur leurs trois débats, les socialistes auront réussi à préserver l’essentiel : ne pas donner une image de division, et même plutôt dégager l'image d'un parti uni autour de débats vifs. Reste aux Français à montrer qu’ils ont été convaincants. Le nombre de votants le 9 octobre, espéré à au moins un million par le parti, en sera le meilleur indicateur.