Ils sont les yeux rivés sur les sondages. Pour s’en féliciter, ou pour s’en désoler. Selon qu’on fait la course en tête, ou pas. Après l’affaire du Sofitel, François Hollande a mécaniquement remplacé Dominique Strauss-Kahn dans le cœur des sympathisants de gauche, appelés à voter les dimanches 9 et 16 octobre pour désigner le candidat socialiste à la présidentielle de 2012. Mais jamais à l’approche d’un scrutin les enquêtes d’opinion n’ont été à ce point montrées du doigt. Une raison : le caractère inédit de cette élection.
« Personne ne sait qui viendra vraiment voter », dénoncent ainsi en cœur les partisans de Martine Aubry et de Ségolène Royal. La commission des sondages, qui veille en France sur la régularité des enquêtes d’opinion, y est même allée de son communiqué. Les résultats doivent « être interprétés avec la plus grande prudence. (…) L'échantillon des personnes interrogées est susceptible de ne pas être vraiment représentatif de celles qui se déplaceront effectivement pour désigner le candidat du Parti socialiste ». Sans parler de la marge d’erreur importante, compte tenu de la faiblesse des échantillons.
« Faire mentir les sondages »
A quelques heures du dernier débat télé entre les six candidats, l’entourage de Ségolène Royal, en troisième position selon tous les sondages publiés depuis le début de la campagne, et même talonnée aujourd’hui par Arnaud Montebourg, veut toujours y croire : « On va passer la barre haut la main ! » Un optimisme de bon aloi qui ne cache pas une certaine fébrilité. En témoigne la charge lancée la semaine dernière par Ségolène Royal contre les instituts de sondages. « J’appelle les citoyens à se révolter », contre « un matraquage », « un lavage de cerveau infligé par un petit système qui veut décider à la place des gens ».
Objectif : « faire mentir les sondages », ceux-là même qui l’avaient portée au firmament lors de la précédente primaire… Les appels à la mobilisation se multiplient ces derniers jours. Tout est bon pour « aller chercher les électeurs », même « le jour du scrutin », écrit Ségolène Royal dans une lettre à ses partisans : « co-voiturage » pour aller voter, « phoning et SMS (...) haut-parleur ou mégaphone » !
La petite vacherie quotidienne de Martine Aubry
Une campagne de terrain similaire a été lancée ces derniers jours par le camp Aubry, à la mode Obama. Outre les traditionnels « boîtages », comme on dit dans la novlangue socialiste (distribution de tracts dans les boîtes aux lettres), l’opération « 100 000 appels pour Martine Aubry » a été lancée. « Si chaque volontaire appelle 7 personnes dans son entourage, nous aurons contacté plus de 100 000 personnes dans la semaine ! »
Le camp Aubry est aussi monté au créneau contre les sondages, alors que l’écart s’est accru en faveur de François Hollande après les deux premiers débats télé. « Ce ne sont pas les sondages qui font l’élection, c’est le courage », a martelé Laurent Fabius, l’inventeur du surnom donné par ses adversaires à François Hollande - « Flamby ».
Dans le même registre, Martine Aubry y est allée de sa petite vacherie quotidienne, contre François Hollande et contre les sondages : « On a vu ce qui s’était passé avec Edouard Balladur ». Quitte à se contredire dans la foulée : « On me dit que je fais 52-48 face à Sarkozy. Moi, ça me suffit ! » Crédibles ou pas crédibles, les sondages, il faudrait savoir…
Tuer le match
Pour les partisans de François Hollande, cette agitation témoigne avant tout de la nervosité de ceux qui « savent qu’ils vont perdre ». « Certains soutiens de Martine Aubry viennent déjà nous voir pour parler de l’après second tour », assure un proche de Hollande au sourire presque carnassier. « Les sondages ne sont pas pipés, affirmait Pierre Moscovici hier soir dans Mardi Politique sur RFI. Plus le résultat est clair, et moins la contestation existe. » Le coordinateur de la campagne de François Hollande appelle les électeurs à donner dès dimanche à son champion « l’élan pour battre Sarkozy ».
Confiants, mais pas imprudents. Il n’est plus question aujourd’hui d’une victoire de François Hollande dès le 1er tour (« avec six candidats, c’est impossible », contrairement à 2006 où Ségolène Royal n’avait que deux concurrents). Il s’agirait plutôt de tuer le match. Et de pousser Martine Aubry à se retirer dimanche soir si François Hollande approchait la barre des 50%... Se passer d’un second tour ? Hypothèse émise par certains soutiens du président du département de Corrèze, mais rejetée fermement par François Lamy, le directeur de campagne de Martine Aubry : « On ne change pas les règles en cours de route ».
Dernier débat télé, et dernières forces jetées dans la bataille. Les sondages se trompent-ils ? C’est ce que veulent croire les challengers de François Hollande. Verdict dimanche soir.