Primaire socialiste: les candidats tentent de se démarquer sans se froisser

Les six candidats à la primaire socialiste se sont retrouvés pour un débat de deux heures organisé par I-télé, LCP, Le Parisien etEurope 1, mercredi 28 septembre 2011. Les échanges ont été plus vifs que lors du premier débat, notamment sur les sujets économiques, mais sans accrochage majeur.

Après un premier débat feutré, les candidats à la primaire socialiste ont haussé le ton au cours de leur deuxième rencontre, notamment sur les sujets économiques. En particulier quatre d’entre eux : Jean-Michel Baylet, Arnaud Montebourg, Ségolène Royal et Manuel Valls, c’est-à-dire ceux que les sondages classent loin derrière Martine Aubry et François Hollande qui, sans minimiser leurs idées propres, ont tous deux manifestement souhaité apparaître comme des rassembleurs, une position qu’ils se devront d’adopter l’un comme l’autre dès le lendemain du premier tour, prévu le 9 octobre.

Le débat était organisé autour de trois axes : l’économie, le social et « la République et la société ». Chaque candidat se sera exprimé en tout environ vingt minutes, dans un débat qui aura duré plus de deux heures.

Société mue par l'argent

C’est sans doute dans la première partie du débat que les échanges entre les candidats à la primaire socialiste ont été les plus vifs. Les débats ont bien entendu tourné sur les moyens à mettre en œuvre pour résoudre la crise économique. Manuel Valls, fidèle à son habitude, ne mâche pas ses mots : « L’effort que nous devrons faire sera aussi important que celui que la France après la Deuxième Guerre mondiale. Le désendettement est la première des priorités. […] Il faut aussi mettre en place une politique fiscale majeure : les prélèvements obligatoires augmenteront, il faudra l’expliquer de façon pédagogique ».

Chacun y va de ses solutions pour endiguer les effets et les causes de la crise. Contre les licenciements, François Hollande estime qu’« il n’y a qu’une façon d’agir, c’est la dissuasion financière. Il faut rendre très cher le licenciement ». Tout ne s’achète pas par l’argent, lui oppose Martine Auby. « Dans une société mue par l’argent, si », répond Hollande. « Mais, justement il faut changer ça », lui renvoie sa principale concurrente. Le ton est donné.

D'autres désaccords se font jour : quand Ségolène Royal réitère sa proposition d’inscrire dans la loi l’interdiction des « licenciements boursiers » et de recourir au « blocage des prix », Jean-Michel Baylet rétorque que « la limitation des prix ça n’a quand même jamais vraiment marché ». Et quand Arnaud Montebourg explique la nécessité de  « prendre des mesures de protection de nos intérêts économiques », prenant exemple sur le Brésil, Manuel Valls déclare qu’il ne « croit pas aux solutions du passé ».

La « TVA sociale » de Manuel Valls, qui consisterait à « augmenter d’un point la TVA de 19,6% et de 5,5% », ne plaît guère à Martine Aubry. Pour la maire de Lille, au contraire, « la compétitivité se gagne par la recherche et l’innovation ».  Et  pour Jean-Michel Baylet, « la TVA sociale, c’est faire porter le coût sur l’ensemble des salariés et des citoyens ».

Recapitaliser les banques

Les candidats ont également voulu rivaliser de solutions pour sanctionner ou réguler l’activité des banques. Pour François Hollande, « si le système bancaire doit être recapitalisé, c’est possible, peut-être même nécessaire ». Comme Ségolène Royal, il est favorable à l’entrée de l’Etat dans le conseil d’administration des banques. L’Europe est évoquée en filigrane, notamment par Jean-Michel Baylet, qui estime qu’elle a les « moyens de la relance ».

Si tous se donnent du « mes amis » et du « je suis d’accord avec toi mais », c’est François Hollande, favori des sondages, qui insiste sur les convergences de candidats : « Il y a un point d’accord, soulignons-le : les cotisations sociales telles qu'elles nuisent à la compétitivité ». « On peut quand même dire qu’on est tous d’accord sur la réforme de la fiscalité », note également Martine Aubry. 

Niche sociale

La deuxième partie du débat est consacrée à la thématique sociale. Plusieurs candidats marquent leurs différences, mais les échanges sont moins vifs et tendus qu’auparavant.

Et c’est notamment François Hollande qui en prend pour son grade. Le député de Corrèze propose un « contrat de générations », selon lequel« l’employeur embauchant un moins de 25 ans en CDI et qui garde un sénior ne payera plus de cotisations sur les deux ». Or, pour ses adversaires, cette proposition est notamment « facile » (Martine Aubry) voire revient à créer une « nouvelle niche sociale » (Ségolène Royal).

Outre ce point d’achoppement, le débat se résume alors plus à un étalage de solutions. Martine Aubry insiste sur la nécessité de faire « vite les 300 000 emplois d’avenir, car cela va relancer la consommation, redonner confiance ». « Il faudra qu'un tiers de ces emplois aille vers la transformation de l’économie, par exemple, avec la mise en place de bilans thermiques dans les appartements », précise-t-elle.

François Hollande et Arnaud Montebourg veulent réformer l’intéressement et mieux répartir le partage de la richesse entre salaires et dividendes. Ségolène Royal, estime, elle, qu'il n'est « n’est plus possible que des ouvriers commencent et finissent leur carrière au Smic, notamment dans le BTP ».

Le président des radicaux de gauche se retrouve avec Manuel Valls et Ségolène Royal sur l’importance à donner à la formation des jeunes. « Le chômage des jeunes doit être relié au fait que 150 000 gamins sortent du système scolaire sans aucune qualification. L’école, l’éducation et puis la formation et l’alternance sont des voies royales pour l’insertion », souligne notamment Valls. 

Réorganiser la police

La troisième partie du débat est l’occasion pour les candidats de la primaire d’aborder des sujets de société, notamment la sécurité. Manuel Valls se risque à faire un lien entre sécurité et immigration : « Là où vous entassez des gens en grande difficulté, vivant des conditions misérables… là, il y a un lien entre sécurité et immigration », souligne le maire d'Evry.

C’est l’occasion pour Ségolène Royal de s’offrir un baroud d’honneur sur l’une de ses propositions de 2007, qui avait été loin de convaincre le PS. Contre la délinquance des mineurs, la présidente de la région Poitou-Charentes propose « l’encadrement militaire et éducatif des délinquants, qui a fait ses preuves dans les établissements de la défense », assure-t-elle, jugeant cette solution moins coûteuse que celle des centres fermés. François Hollande refuse le caractère militaire, mais acquiesce sur la nécessité de créer des centres d’encadrement, et propose de rendre le service civique obligatoire pour tout jeune qui quitterait le système scolaire prématurément.

« Il faut réorganiser la police, il faut mettre 10 000 policiers en plus, ça coûte 300 millions d’euros sur cinq ans », demande Martine Aubry. Ses concurrents sont d’ailleurs globalement de son avis sur le sujet. Le consensus prévaut également sur la question de la régularisation des sans-papiers : tous prônent une régularisation au cas par cas, sur des critères de travail, d’intégration, de scolarisation des enfants.

Les candidats auront encore l’occasion de s’expliquer le 5 octobre, jour où une troisième confrontation est prévue sur BFM-TV avec RMC et Le Point. Un duel, s'il y a un second tour, est aussi prévu le mercredi 13 octobre sur France Télévisions. 

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