Le premier débat de la primaire socialiste s’est déroulé sans accrochage

Le premier des trois débats entre les six candidats à la primaire socialiste en vue de l’élection présidentielle de mai 2012 s’est tenu dans une atmosphère courtoise et cordiale, jeudi 15 septembre 2011 à Paris. Même si chacun s’est efforcé de marquer ses différences, les prétendants à l’investiture du PS avaient laissé les poignards au vestaire. Les deux favoris de l'élection, François Hollande et Martine Aubry, ont néanmoins fait apparaître l'un de leurs principaux désaccords sur la sortie du nucléaire.

Ce devait être un débat, ce fut surtout une longue, très longue série de monologues pendant près de trois heures. La consigne a été respectée : ne pas paraitre désuni, alors que les six candidats partagent le même objectif, battre Nicolas Sarkozy l'an prochain.

La forme de l'émission, pourtant moins figée qu'en 2006, lors de la précédente primaire socialiste, n'y a rien changé. Chacun a pu dérouler ses idées face caméra. François Hollande s'est montré le plus ferme, limite agressif parfois, pour faire oublier son côté rond et indécis. Ségolène Royal, elle, en revanche, est apparue presque absente -pas de coup d'éclat, alors qu'elle est marginalisée par le match Hollande-Aubry.

Si bien qu'on pensait se coucher en ayant assisté à un simple débat d'observation. Quand soudain -on approchait vraiment de la fin- Martine Aubry a ouvert le feu, contre un seul adversaire, François Hollande, parce que c'est lui le favori. La maire de Lille doit rattraper son retard dans les sondages, et elle s'en est pris à la mesure phare de Hollande, le contrat de génération, avant de revenir à la charge quelques minutes plus tard sur le nucléaire.

Ce fut l'unique moment de l'émission où deux candidats ont osé se couper la parole et se contredire. François Hollande : « Nous sommes tous d'accord ». Martine Aubry : « Non, nous ne sommes pas d'accord ! »

Ces deux-là ne s'aiment pas beaucoup... Et si, comme le disent les sondages, la finale oppose François Hollande et Martine Aubry, le débat de l'entre-deux tours risque d'être moins compassé qu'hier soir. Personne ne devrait s'en plaindre.

Les principales déclarations des six candidats à la primaire :

François Hollande. L'ancien premier secrétaire du PS a notamment parlé éducation « La restauration de 60 000 emplois dans l'Education sera financée quoi qu'il arrive. J'ai dit qu'il y aurait une loi de programmation avec cet engagement de remettre à niveau l'Education nationale (...). Nous ferons ce que les disponibilités de la croissance nous offriront. C'est un devoir que de dire cette évidence. Mon premier acte sera la réforme fiscale. Tout ce que j’annonce sera financé par des recettes. Je veux créer 12 000 postes d’enseignants par an ce qui coûtera 500 millions d’euros par an. On ne peut pas laisser notre système d’éducation dans l’état où il est aujourd’hui ».

François Hollande s'est aussi prononcé sur les mesures de fiscalité : « Je n'aime pas la richesse insolente, les rémunérations indécentes, l'égoïsme d'une fraction de la population qui considère que son sort personnel l'emporte sur d'autres considérations ».

Et également sur le nucléaire, prônant une baisse de la proportion du nucléaire dans l'énergie, et non pas une sortie définitive : « Ce qui s’est passé à Fukushima a forcément des conséquences, on ne peut pas être le seul pays du monde à avoir 75% de son électricité issue du nucléaire. Il faut qu’on passe de 75% à 50% d'ici à 2025 ».

Martine Aubry. La maire de Lille a mis l'accent sur la sortie de crise :  « Mes priorités sont les vôtres: l'emploi, pouvoir d'achat, l'éducation et la sécurité (...). Il y a un chemin en France et en Europe pour sortir de la crise. Je n’arrive pas à accepter que les gens aient à choisir entre le loyer, se nourrir manger et payer l’éducation des enfants (...). Je pense que ce projet (du PS) a encore plus de crédibilité malheureusement parce que la crise est revenue. Je le repropose aujourd'hui. Est-il normal que les banques continuent de spéculer sur l'épargne des Français au lieu d'aider les PME et les Français ? » 

La candidate a jugé en outre qu'« il faut réduire les dépenses des ménages: bloquer les loyers, qui peuvent parfois atteindre 40% du revenu des ménages. Ce ne sont pas des prix administrés. Que les tarifs de l'eau de l'électricité soient différents. Sur les premiers litres, pour se laver, cela doit coûter moins cher que pour remplir la piscine ».

Sur le nucléaire, elle a souligné sa différence avec son principal rival, François Hollande : « Il faut sortir du nucléaire. Ce n'est pas parce que nos courbes se croisent que nous sommes d'accord ».

Ségolène Royal. Pour l'ancienne candidate, les premières réformes doivent porter sur les banques : « Il faut résoudre le déficit et la dette en relançant l'activité économique (...) . Mon premier projet de loi sera la réforme des banques. Leur premier métier c'est de financer l'économie réelle pas de spéculer sur la dette des Etats. L'Etat rentrera au capital des banques s'il vient renflouer les banques ». 

La présidente de la région Poitou-Charentes s'est engagée à ne pas faire de hausses d'impôts, déclarant : « Nous ferons un impôt plus simple plus compréhensible plus juste, plus équitable entre le capital et le travail, entre les grandes entreprises et les PME. Ma règle d’or n’est pas la même que celle de Nicolas Sarkozy ».

Elle a par ailleurs dit qu'elle fera : « un Grenelle des PME ». Et sur le nucléaire : « Nous sommes focalisés sur le nucléaire mais il faut songer à l’après-pétrole. Je suis pour une sortie du nucléaire en 40 ans. La revolution écologique, c’est notre nouvelle frontière ».

Arnaud Montebourg.  Le candidat de la « démondialisation »a jugé que« le pouvoir d'achat c'est la promesse centrale du président de la République et son échec majeur ».

Il a surtout insisté sur la réforme de la finance :  « Le projet socialiste est un bon projet, il a une ambition pour essayer de changer la société. Mais si nous n’affrontons pas le système économique financier, nous n’arriverons pas aux buts qui sont les nôtres. Je préfère mettre les banques sous tutelle avant que celles- ci ne nous mettent nous-mêmes sous tutelle. Tout le monde pratique la protection de son système. Les seuls naïfs du système mondial, ce sont les Européens. La Chine est en train de ruiner une grande partie de l’Europe. La France est un paradis fiscal pour les grandes entreprises et un enfer pour les PME.

Manuel Valls. Le député-maire d'Evry a dit vouloir « incarner une gauche qui dit la vérité et qui donne aussi espoir. La dette représente 24 000 euros par habitant, continuer ainsi c’est sacrifier notre modèle social. La France de 2012 n’est pas celle de 2007, les vieilles recettes ne sont plus d’actualité ».

En matière d'éducation, pour lui « l’école reproduit de plus en plus les inégalités sociales culturelles et ethniques. Il faut passer de 140 à 180 jours de classe. Il faut faire baisser le nombre d’élève par classe ».

Enfin, il a estimé que « promettre aux Français que nous allons augmenter les salaires aujourd'hui, c'est leur mentir et ils le savent bien ». Les gens vivent dans l’insécurité, cela veut dire qu’il y aura des reconduites à la frontières. Il faut instaurer des quotas mais des quotas par métier et non pas par ethnies, évidemment ». Il a enfin rappelé « J’ai été l’un des seuls députés (de gauche) à voter l’interdiction du voile intégral ».

Jean-Michel Baylet. Le méconnu président des Radicaux de gauche a dit vouloir« porter une autre vision de la gauche, une gauche réaliste ouverte sur les réalités. Les radicaux sont toujours à l’avant-garde. Ma sensibilité est celle d'un chef d'entreprise engagé à gauche, nous ne sommes pas très nombreux dans ce cas, et aussi d'un militant radical ».

Il a par ailleurs critiqué le projet socialiste, le jugeant trop dépensier : « Ce qui me choque le plus : j’ai l’impression que le projet socialiste ne prend pas en compte les difficultés d’aujourd’hui, on ne peut pas amener des propositions qui impliqueraient des dépenses supplémentaires ».

Avant de s'exprimer également sur le cannabis, jugeant que « la dépénalisation ne règle rien, en revanche la légalisation va plus loin ». Il s'est également prononcé pour l'euthanasie, qui est pour lui « le droit de donner la mort à partir du moment où la maladie a été reconnue comme incurable ».

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