Les méandres du Paris proche et lointain

« Je suis Patrick Faigenbaum et je pratique la photographie ». Ainsi se présente l’artiste qui dresse le portrait d’un Paris proche et lointain en 80 images indédites. Le peintre, devenu photographe il y a 30 ans, a construit sa réputation sur ses approches photographiques de villes comme Prague, Brême, Tulle ou Barcelone. Avec cette exposition sur Paris au Musée de la vie romantique, cet artiste majeur de la scène contemporaine française nous emmène dans les méandres de sa ville natale, naviguant entre lieux et sentiments.

L’exposition sur le Paris proche et lointain commence ni avec la Tour Eiffel, ni avec une bouche de métro ou un bâtiment en pierre, mais avec une jeune femme. Une photo en noir et blanc, prise en 1981. Un plan très rapproché qui dévoile un regard lointain. C’est une des premières images que le peintre Patrick Faigenbaum a fait comme photographe. « Je ne connais pas cette femme. J’ai fait cette image dans le métro, en 1981, lorsque j’allais visiter une amie qui venait d’accoucher. »

Une photo qui a mis au monde le photographe Patrick Faigenbaum et précipite la suite de l’exposition. « Voyez la lumière, remarque-t-il. Il y a des histoires de formes aussi. La lumière qui est dans ses cheveux se prolonge dans les rideaux de l’image voisine. »

La ville e(s)t la mère
 

Sur la photo voisine apparaît Suzanne Faigenbaum, en avril 2010. Une entrée dans le Paris proche qui n’est d’autre que la présence de sa mère et l’absence de son père, décédé en 1968. Pour le photographe, né à Paris en 1954, cette ville lui renvoie irrésistiblement à sa mère. Paris comme espace géographique, temporel et mental. Une vision artistique qui fusionne l’homme et la ville. Patrick Faigenbaum ne capte pas les monuments, mais montre sa mère et les territoires qu’elle habite : son magasin, rue de La Chaussée-d’Antin en 1972, une sortie en parapluie avenue de Wagram, son dos nu avec bras blessé en avril 2010. « C’est un paysage corporel. Après avoir photographié son visage, j’ai pensé que le dos était un territoire. C’est une métaphore. C’est une forme très large, liée aussi à la pierre qu’on peut constater dans d’autres images en planche contact, en noir et blanc. Je m’approche comme cela, on ne voit presque plus de formes. On voit le dos comme un espace qui n’est pas clos, mais complètement ouvert. D’ailleurs, ce dos est un portrait pour moi. »

Le proche et lointain se croisent
 

Le Paris loin est incarné par des endroits anonymes, la cité Berthelot à Nanterre, les volumes coulés en béton de l’université-Nanterre, les enfants qui jouent dans la rue et une maman qui s’assoit parterre devant le hall d’entrée de la cité La Pierre-au-Prêtre à Orly-Ville. Qu’est-ce qui change quand on s’approche de Paris du lointain ? «  Il y a le Paris lointain dans le temps, par exemple quand on voit mes anciennes images. Elles sont lointaines. Et puis il y a le lointain physique et géographique. Comme la photo prise au printemps 2011 à Saint-Germain-en-Laye, quand on voit Paris en face, c’est loin. Deux espaces. On est à la fois proche et lointain. Mais les deux se croisent. » Patrick Faigenbaum montre les toits et arbres du Quai de la Loire depuis l’atelier et les buildings parisiens, les Orgues de Flandre depuis l’appartement en mai 2010. Le viscéral côtoie le lointain.

Les quatre points cardinaux
 

L’artiste est avare en mots. Dans la première partie de l’exposition, c’est plutôt un avantage. La fragilité et la subtilité des photos arrivent à nous assouvir. Les images prises extra-muros et aux quatre points cardinaux de Paris aèrent le propos intensément personnel. « Je trouvais intéressant à explorer les quatre points cardinaux. Le travail que j’ai fait à Paris est une esquisse. Je vais le continuer et je vais plus entrer dans la capitale. Alors là, j’ai commencé par les extérieurs. Je me suis approché des extérieurs. Après je m’approcherais des intérieurs, mais ce travail me semble très loin aussi. »
 

Le Paris proche et lointain de Patrick Faigenbaum dessine une traversée en filigrane de la ville par des instincts. Les photos montrent l’énergie entre un lieu et son émotion ressentie. Ce voyage se fait parfois à pied, parfois en métro, mais toujours en mode d’introspection. C’est passionnant au début, mais difficile à suivre, les tunnels sont parfois longs. A la fin, les liaisons se font souvent à notre insu. Un portrait en apparence banal, mais sensible et original. Après, le regard change.

Patrick Faigenbaum : Paris proche et lointain (1972-2011), jusqu’au 12 février au Musée de la vie romantique à Paris.

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