Impossible d’y échapper. Visiter la tour Eiffel à Paris semble pour des millions de touristes comme saluer l’existence du soleil. Près de 7 millions visiteurs font chaque année la queue devant les piliers géants de la tour avant de conquérir les 324 mètres jusqu’au troisième étage. L’exposition nous invite à découvrir la poésie et la magie des changements presque imperceptibles de la dame de fer. Un jeu de paradoxes intemporels.
Maintes légendes se créèrent autour du monument. Initialement érigée pour seulement 20 ans, la tour Eiffel sert aujourd’hui l’image d’un Paris éternel mais date seulement de l’exposition universelle de 1889. L’exposition évite de répéter le mythe de la construction et met l’accent sur le charme de l’invisible. « Généralement on parle de la tour Eiffel sous un point de vue historique, de sa construction, là on parle de ses micro-changements, remarque Philippe Simon, architecte et commissaire de l’exposition. On montre des micro-changements qui sont quasiment de l’ordre de l’invisible. Le titre de l’exposition signifie bien cela : on a l’impression que la tour est la même, que rien n’a changé alors que des tonnes de petites choses ont été modifiées. L’enjeu de l’exposition est de montrer ces micro-changements, toutes ces adaptations qui font que la tour reste un lieu magnifique et extraordinaire. »
La silhouette immuable qui bouge tout le temps
Autrement dit : Les transformations font partie de cette silhouette immuable mondialement adulée. L’exposition creuse dans les archives et fait comprendre les innombrables chantiers que la tour Eiffel a vécus depuis 122 ans et que la plupart des 250 millions visiteurs n’ont pas remarqués. On a rajouté des étages, transformé radicalement des pavillons, élevé le sommet de 12 mètres, et dans les ascenseurs il n’y en a plus des banquettes en bois comme à l’ouverture, mais il y a une mise en garde affichée contre les pickpockets. « Au départ, l’éclairage de la tour Eiffel était une éclairage au gaz, avec des flammes à gaz. Rapidement, on l’a remplacé par un éclairage électrique. Les restaurants qui ont été aménagés par Eiffel, étaient des restaurants alsaciens, anglo-américains et français dans les styles de l’époque. Il y avait aussi un restaurant russe avec un côté éclectique, pittoresque, c’était un peu du n’importe quoi accumulé, mais ce style adorait et mélangeait les goûts, les époques, les références historiques. Pour que les restaurants continuent d’avoir un certain public, il a fallu les adapter aux différents goûts. » Dans les années 1930, les restaurants sur la tour Eiffel ressemblaient aux restaurants des paquebots de luxe qui traversaient l’Atlantique, entretemps on y a adopté une sobriété poussée avec un style minimaliste. Ce qui n’a pas changé : les plats sont servis à 58 mètres au-dessus du sol pour le 58 tour Eiffel et à 116 mètres au-dessus de Paris pour le restaurant Jules Verne, avec une vue à mi-chemin entre ciel et terre.
Un toilettage complet de nos idées toutes faites
La scénographie de l’exposition, sans film ni élément audio, est plutôt austère avec ses panneaux inclinés et figés, ses descriptions historiques et techniques. Mais ceux qui s’y plongent seront récompensés. La panoplie des clichés connus est largement complétée par des photos subtiles et étonnantes qui reflètent un train de vie très peu connue de la Dame en fer. Les différents chapitres permettent un toilettage complet de nos idées toutes faites : Ascenseurs, Correspondances, Tour utile, Kiosques et refuges, Coulisses techniques, La Tour symbole, ou Transformations rêvées qui présente des projets qui voulaient transformer la tour en tour de Babel ou rajouter des tours à la tour… « Même aujourd’hui, il y a encore régulièrement des projets d’architectes qui osent toucher à la tour, confie Philippe Simon. Déjà en 1900, on se posait la question : fallait-il la changer, adapter, transformer ? Il y a eu un concours. Dans l’exposition on voit quelques maquettes où la tour a été modifié dans sa silhouette, a été enveloppée, transformée en montagne, en phare où son élégance avec ses pieds extrêmement délicats devenaient une chose extrêmement lourde. On voit comment une adaptation de la tour un peu lourde aurait pu totalement dénaturer la tour Eiffel. »
Tous ces projets fantasmagoriques ont été finalement avortés et la tour est restée « ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre ».
Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre – la tour Eiffel transformée, exposition en accès libre pour les visiteurs du monument, jusqu’au 4 septembre au 1er étage de la tour Eiffel à Paris.