Dimanche 4 septembre 2011, Dominique Strauss-Kahn rentre en France, fraîchement innocenté dans l’affaire de viol qui l’a opposé à Nafissatou Diallo. Une cohorte de journalistes l’attend à son arrivée à l’aéroport, puis le suit jusqu’à son domicile parisien, guettant la moindre déclaration. Mais Dominique Strauss-Kahn ne lâche rien d'autre qu'un large sourire.
Après deux semaines de silence total passées avec ses proches et ses conseillers en communication, il va enfin s’expliquer ce soir sur le plateau du journal de 20h de TF1. Un long silence que certains traduisent comme la première étape d’une véritable stratégie de reconquête. « Le recours au silence constitue l’arme idéale », analyse ainsi la journaliste Caroline Castets dans les colonnes du Nouvel Economiste.
En se taisant, DSK évite tout nouveau dérapage susceptible de relancer la polémique et entretient le buzz. Une prise de parole de sa part sera désormais accueillie comme l’événement médiatique de la rentrée.
« DSK est obligé de reconnaître son addiction sexuelle »
Aujourd’hui, l’attente est grande. Même s’il a été disculpé, l’énorme battage médiatique dont Dominique Strauss-Kahn a été l’objet doit l’obliger à rendre des comptes. « Il doit lever toutes les interrogations sur les faits » qui se sont déroulés dans la suite 2806 du Sofitel de New York, estime Emmanuel Rivière, de l’institut de sondages TNS-Sofres. Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Metz, va même plus loin : « Il est obligé de reconnaître son addiction sexuelle ».
Mais la déception risque d’être aussi importante. Même si l’exercice télévisé peut être périlleux, l’intervention de Dominique Strauss-Kahn promet d’être toute en retenue. « A Washington, devant ses ex-collaborateurs du FMI, il a dit : "J’ai fait une erreur". Rien de plus. Ce sera la même chose dimanche [ce soir] », prédit Sophie Pedder, chef du bureau français de l’hebdomadaire britannique The Economist.
« DSK sait déjà ce qu’il va dire, il est très habile, note pour sa part Paolo Levi, correspondant de l’agence italienne Ansa. Et il a probablement déjà donné des lignes rouges à ne pas franchir à TF1 ». Tous doutent par ailleurs de la capacité de Claire Chazal, amie de l’épouse de DSK Anne Sinclair et qui mènera l’interview, de pousser l’ex-ministre de l’Economie dans ses retranchements.
Vers un retour en politique ?
A New York, les avocats de Nafissatou Diallo mettent en garde contre « un coup monté publicitaire » en vue d’une tentative de réhabilitation. Une position que partage la journaliste Caroline Castets. « Si tout se passe comme prévu, la suite devrait se dérouler en trois temps », écrit-elle. Le « mea culpa » d’abord. Un exercice qu’elle qualifie d’« absolument nécessaire » car il permettra à Dominique Strauss-Kahn de se replacer dans l’espace public. Ensuite, « l’avis de l’expert » : en s’exprimant sur des sujets qu’il maîtrise, tels que l’état de l’économie mondiale ou le déficit français, l’ancien directeur du FMI pourra faire valoir sa crédibilité à réintégrer l’arène politique, troisième et dernière étape de sa stratégie.
Mais au Parti socialiste, les candidats à la primaire ne semblent pas disposés à son retour. Jeudi 15 septembre, lors du débat télévisé pendant lequel ils ont présenté leurs projets, tous ont exprimé leur réticence à intégrer DSK dans leur équipe. Tous, sauf Manuel Valls. Le député-maire d’Evry (région parisienne) lui maintient son soutien. « L’équation qu’incarnait Dominique Strauss-Kahn, à savoir l’expertise qui faisait penser qu’à travers lui il était possible de régler la crise, avec en plus sa capacité de rassembler au-delà de nos rangs, reste profondément d’actualité, a-t-il ainsi affirmé, ajoutant : Je pense que cette affaire [celle de Nafissatou Diallo] est derrière nous ».
Si la page criminelle de l’affaire Diallo est en effet définitivement tournée, celle de Tristane Banon pourrait mener DSK devant la justice française. Entendu comme témoin par les enquêteurs lundi 12 septembre, Dominique Strauss-Kahn a nié la tentative de viol dont l’accuse l’écrivaine mais a reconnu avoir tenté de l’embrasser.
L’association féministe Choisir la cause des femmes, présidée par l’avocate Gisèle Halimi, s’est indignée de l’intervention télévisée. « C’est devant la justice qu’il va falloir qu’il s’explique, pas devant les journalistes », a-t-elle affirmé dans un communiqué.