Habemus papam, la chapelle Sixtine de Nanni Moretti

Avec Habemus papam, Nanni Moretti envoie ce 7 septembre une fresque flamboyante dans les salles de cinéma. Sa description acerbe de l’élection en Conclave d’un nouveau pape nous amène à une sainteté minée par les doutes. Et un seul psychanalyste suffit pour mettre le système papal du Vatican littéralement à plat. Moretti ne se contente pas d’une critique du système clérical, il nous montre cash la nature humaine qui ne s’arrête évidemment pas à la porte du Vatican.

108 cardinaux se sont réunis à la chapelle Sixtine en Conclave pour élire un nouveau Pape… et la plupart d'entre eux prie fortement pour échapper à cette lourde tâche. Enfin, on voit un hélicoptère dans le ciel, la fumée blanche qui s’élève et la foule amassée sur la place Saint-Pierre qui jubile. Le Conclave a enfin élu un nouveau Pape. Mais, attendu par des centaines de millions de fidèles pour son discours, le Pape prend subitement conscience de sa nouvelle sainteté et craque quelque pas avant le balcon. Il recule, crie, tombe en larmes et ne revient plus sur sa décision.

 
Une scène forte comme deux avions qui percutent le World Trade Center. Un monde s’écroule et Moretti le capte avec sa boule magique d’images, remplie de l’espoir, la grandeur, la sacralité que le Pape suscite. Moretti s’en moque, dévoile l’humanité du Pape et met ainsi magistralement le règne clérical en porte à faux. Dans l’histoire millénaire de l’Eglise, rien n’était prévu pour une catastrophe pareille. Alors commencent les tractations, les mesquineries, les mensonges. Il y a panique à bord. Tout le monde essaie de convaincre le nouveau Pape de renoncer à ses peurs et de se mettre dans la main de Dieu. Mais le Pape préfère renoncer à Dieu et prendre en main lui-même son destin. Il s’enfuit dans la vie civile et rêve de devenir acteur.  

Le Pape atteint d'une sinusite psychique
 

Le désespoir est tel que le Vatican prend la décision de susciter l’aide d’un psychanalyste. Un rôle que Nanni Moretti a taillé sur mesure pour lui-même. Avec son grand pouvoir de persuasion, il joue le psy qui organise un tournoi de volley-ball au sein du Vatican. Il arrive même à convaincre les cardinaux que déjà la Bible parlait de la dépression. Autrement dit : l’Eglise et la psychanalyse jouent le même jeu. Naturellement, le psy n’est pas parfait non plus et souffre du divorce de sa femme, également psychanalyste. C’est elle qui prend en charge le Pape qui s’invente pour l’occasion une vie d’acteur. Il décrit son état comme « sinusite psychique » et se plaint « de carences de soins ». Michel Piccoli interprète magnifiquement ce Pape fragile, humain et finalement honnête avec lui-même et les autres. Nanni Moretti conçoit des très grands tableaux magnifiques, mais en même temps il réduit le pouvoir de l’Eglise au décor du Vatican et aux costumes des cardinaux. Plus qu’une mise en scène splendide, Moretti dépeint une fresque monumentale ; c’est sa chapelle Sixtine.

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