« Je ne toucherai pas au bouclier fiscal car je crois au principe selon lequel on ne peut prendre à quelqu’un plus de la moitié de ce qu’il gagne » disait Nicolas Sarkozy en 2009. Institué dans les premiers mois de son arrivée à l’Elysée, ce dispositif avait comme objectif de lutter contre une injustice fiscale, selon les termes du président, qui frappait aveuglément les plus riches des Français. Ainsi, protégés par le fameux bouclier, les impôts directs payés par tout contribuable ne peuvent pas être supérieurs à 50% de ses revenus. Ce qui était alors présenté comme un dogme de « justice fiscale » ne serait donc plus, quatre après, qu’une casserole encombrante dont il faut se débarrasser au plus vite.
Défendu bec et ongles lors de son vote par le gouvernement, le bouclier fiscal cristallise aujourd’hui bien des rancœurs. Celles des déçus du sarkozysme dont les rangs se gonflent de mois en mois, si l'on en croit les sondages qui montrent un président dont à peine 30% des Français se disent satisfaits de son action. Les affaires sont aussi passées par là et singulièrement celle de Liliane Bettencourt où les milliards le disputaient aux liens troubles entre politiques et avantages bien compris.
Un bouclier fort encombrant
A partir du moment où le terme de bouclier fiscal a pris la forme bien tangible d’un chèque de 30 millions d’euros remboursés à la milliardaire Liliane Bettencourt et suivis de trois autres approchants, les Français en ont saisi toute la mesure. Interpellés dans leurs permanences, des élus de la majorité ne se sont pas privés de faire remonter l’exaspération et le vif sentiment d’injustice qui agitaient leurs électeurs. A moins d’un an de la présidentielle, la décision de rayer de la panoplie de la majorité le désormais encombrant bouclier fiscal montre bien qu’on entre dans le vif de la campagne pour 2012.
Mais les plus nantis des Français n’ont pas trop de soucis à se faire ; ce que le président Sarkozy leur retire d’une main, il peut le compenser de l’autre. En réformant aussi l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) de nombreux contribuables, 300 000, qui y étaient assujettis jusqu’à présent y échapperont par le glissement des tranches.
Pour le Parti socialiste, la réforme va encore avantager les plus riches notamment parce que la suppression définitive du bouclier n’interviendra qu’au 1er janvier 2012 alors que l’allègement de l’ISF leur sera appliqué dès cette année. Le gouvernement souhaite en effet l’adoption de son projet de loi dès le 14 juillet pour ensuite franchir au pas de charge les étapes vers son application fin 2011 ou début 2012. A quelques mois de la présidentielle, et débarrassé de cette entrave, Nicolas Sarkozy pourra donner une nouvelle version de sa vision de la justice fiscale.