L’affaire Bettencourt, un feuilleton français

C’est une véritable saga à la fois familiale, politique et médiatique qui a tenu en haleine une partie de l’opinion pendant l’année 2010. Retour sur l’affaire Bettencourt et ses multiples ramifications.

6 décembre 2010, tout est bien qui fini bien. Après 3 ans de procédure, l’héritière de l’empire l’Oréal, Liliane Bettencourt et sa fille Françoise Bettencourt-Meyers font la paix et mettent fin à toutes les procédures judiciaires les opposant depuis la fin 2007. C’est la fin du volet familial d’une affaire qui en mêlant pouvoir et argent aura défrayé la chronique.

 

C’est que dans cette affaire d’héritage familial, l’unité de compte est le milliard d’euro. Réputée femme la plus riche de France, Liliane Bettencourt est en effet à la tête d’un patrimoine estimé à 17 milliards d’euros. Pour l’essentiel, il s’agit de sa participation dans le groupe de cosmétiques l’Oréal, à hauteur de près de 28% du capital. Mais il y a aussi le reste.

Et le reste, c’est l’objet du litige avec un troisième personnage, l’artiste François-Marie Banier, que Françoise Bettencourt-Meyers accuse d’abus de faiblesse envers sa mère âgée de 88 ans. La riche héritière aurait fait pour près d’un milliard d’euros de cadeaux à son ami, entre tableaux de maîtres et île privée dans l’archipel des Seychelles. Entre la mère, qui estime qu’elle fait ce qu’elle veut de sa fortune, et la fille, qui va faire 3 demandes de mise sous tutelle, l’affaire tourne au vaudeville public.

 L’affaire devient politique
 

Tout s’emballe le 16 juin 2010. Le site internet d’information Mediapart publie des enregistrements pirates réalisés par le maître d’hôtel de Liliane Bettencourt qui tendent à montrer que celle-ci est effectivement  psychologiquement fragile et sous l’emprise de son entourage. Mais l’affaire change de dimension, car ces enregistrements suggèrent aussi une possible fraude fiscale, et surtout des liens entre la fortune Bettencourt et le trésorier du parti présidentiel UMP et ancien ministre du budget, Eric Woerth.

En clair, Liliane Bettencourt aurait financé plusieurs campagnes de l’UMP, alors que la femme d’Eric Woerth, Florence, travaillait pour la société Clymène qui gérait la colossale fortune de la vieille dame. On apprend bientôt que le patron de Clymène, Patrice de Maistre, a d’ailleurs été décoré de la légion d’honneur sur intervention du ministre Woerth, qui commence par le nier puis finit par l’admettre.

Les révélations se succèdent dans les médias, notamment le journal Le Monde et Mediapart, accusés d’employer « des méthodes fascistes » par certains responsables de la majorité. Le paroxysme est atteint quand l’ancienne comptable Claire Thibout accuse le même Patrice de Maistre de lui avoir demandé de retirer 150 000 euros en liquide pour les remettre au printemps 2007 à Eric Woerth pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.

Une affaire très médiatique
 

C’est dans cette ambiance qu’Eric Woerth, devenu entre-temps ministre du Travail, doit mener la réforme des retraites qui suscite une importante mobilisation des syndicats. Pour les manifestants, l’affaire Bettencourt devient alors symbolique des liaisons dangereuses entre le pouvoir politique et le pouvoir économique, au moment ou des efforts sont demandés aux salariés. D’autant que l’on apprend alors que le fisc, tout à fait légalement, a remboursé 30 millions d’euros à Liliane Bettencourt au titre du bouclier fiscal.

Finalement, après l’accord spectaculaire du 6 décembre entre Liliane Bettencourt, sa fille et François Marie-Banier, accord dont les termes financiers sont restés secrets, le principal accusé, au moins médiatiquement, de l’affaire, est Eric Woerth. Le maire de Chantilly est redevenu simple député puisqu’il a été l’une des principales victimes du dernier remaniement gouvernemental. Sous la pression et devant les accusations de conflit d’intérêts, il s’est résolu à démissionner de son poste de trésorier de l’UMP. Il reste aussi l’un des rares à pouvoir être mis en cause par la justice depuis que ce qui reste du dossier a été transféré au tribunal de Bordeaux.

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