Christine Lagarde menacée d’une enquête pour abus d’autorité dans le dossier Tapie

Le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, a demandé ce 10 mai 2011 à la Cour de justice de la République d'ouvrir une enquête visant la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, pour « abus d'autorité » dans l'affaire ayant opposé Bernard Tapie au Crédit Lyonnais. Composée en majorité de parlementaires, la Cour de justice de la République est la seule instance compétente pour juger un ministre dans l'exercice de ses fonctions.

Au départ de cette affaire, on trouve un litige financier entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais à propos de la vente du groupe Adidas, fin 1993. S'estimant grugé par la banque lors de la transaction, l'homme d'affaires, devenu ensuite ministre, s'était lancé dans un long combat procédural pour obtenir compensation. 

Et c'est un tribunal arbitral qui, lui, avait finalement accordé 285 millions d'euros de réparation à Bernard Tapie, en 2008. Un tribunal arbitral, qui plus est, tranchait largement en faveur de l’homme d’affaires, l’ancien ministre de Mitterrand ayant appelé à voter Sarkozy en 2007 et ayant lui-même été condamné par la justice à plusieurs reprises : le procédé avait choqué une bonne partie de la classe politique, surtout à gauche.

Pour beaucoup, c'est la justice traditionnelle qui aurait dû passer. Et l'Etat, en la personne de la ministre de l'Economie, n'aurait jamais dû s'immiscer dans ce dossier.

C'est en effet Christine Lagarde qui a choisi, à un moment donné, pour couper court, d'abandonner la voie judiciaire au profit de l'arbitrage, si contesté depuis.

Saisi début avril 2011 par une plainte de députés socialistes, le procureur de la Cour de cassation a passé plusieurs semaines à récolter des documents de toutes parts et c'est sur cette base qu'il vient de demander une enquête pour « abus d'autorité » : une démarche qui pourrait peut-être entacher de nullité la sentence rendue en 2008 en faveur de Bernard Tapie. 


Bernard Tapie a réagi en déclarant que « toutes ces gesticulations n'ont pas le pouvoir
d'inverser le cours de la décision » et qu'elles relèvent d'un « délire total ».

Pour sa part, le porte-parole des députés PS, Alain Vidalies, a qualifié d'« événement majeur » cette demande du procureur général de se pencher sur la décision prise en 2008.

Rappelons que le procureur Nadal symbolise la révolte des magistrats face aux réformes de la justice voulues par Nicolas Sarkozy et qu'il prend sa retraite dans quelques semaines.

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