Nicolas Sarkozy l’a répété mardi 19 avril 2011 lors de son voyage dans les Ardennes : il y aura bien l’obligation de verser une prime aux salariés dans les entreprises qui donnent des dividendes à leurs actionnaires. « Le partage de la valeur, j’y tiens, parce que c’est une question de justice », a déclaré le président français lors de sa visite dans une usine ardennaise. « Quand il y a la reprise, j’affirme qu’il est normal que les salariés et les ouvriers à qui on a demandé des efforts pendant la crise bénéficient de la reprise, c’est un principe sur lequel je ne céderai pas ».
Le chef de l’Etat français est au plus bas dans les sondages et le premier tour de la présidentielle de 2012 est maintenant dans tous les esprits. Nicolas Sarkozy cherche donc à donner des signes positifs aux électeurs concernant le pouvoir d’achat. C’est ainsi qu’est née l’idée de la prime de 1 000 euros pour les salariés des groupes qui versent des dividendes à leurs actionnaires.
Le jour même où Nicolas Sarkozy rencontrait des sidérurgistes dans le nord de la France, François Baroin, le ministre du Budget, a répété que cette prime allait être créée, elle apparaîtra dans le projet de loi de finances rectificative de juin prochain. Mais tenant compte du débat au sein du gouvernement sur le sujet, le ministre l’a précisé : les entreprises qui accompagneront d’une prime aux salariés le versement de dividendes aux actionnaires, ces entreprises bénéficieront d’une exonération de charges.
Malgré les réticences venues de toute part, Nicolas Sarkozy et son ministre du Budget semblent vouloir aller de l’avant dans ce projet. Pourtant, ces derniers jours, plusieurs membres du gouvernement se sont exprimés de manière contradictoire au sujet de cette prime.
Christine Lagarde, est, la première, venue au secours des patrons en minimisant la portée de cette éventuelle dépense. Pour la ministre de l’Economie, 1 000 euros sont un maximum et ce montant pourrait correspondre à des exonérations de charges. Et de toute façon, selon la ministre, l’Etat n’a pas à fixer un montant « obligatoire » à cette prime.
Des réticences venues de toute part
Xavier Bertrand, le ministre du Travail, avait lui aussi minimisé la portée de cette mesure en indiquant que les groupes devraient verser cette prime seulement « si les dividendes augmentent ».
En dehors de cette cacophonie gouvernementale, les syndicats n’ont pas non plus accueilli d'une seule voix la création de la future prime. Pour Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière, le gouvernement « a conscience qu’il y a un problème » puisqu’il parle là de pouvoir d’achat. En revanche François Chérèque, le N°1 de la CFDT, estime que l’« annonce du gouvernement va faire beaucoup de déçus, il y aura très peu d’élus ». « 70% des entreprises en France ne versent pas de dividende », avait pour sa part souligné Laurence Parisot, la patronne du Medef.
L’Union professionnelle artisanale (UPA), elle aussi, ne voit que du négatif dans la création éventuelle de cette prime, la trouvant inégalitaire pour les salariés. L’organisation estime que « l’attribution de primes exonérées d’impôt et de charges sociales aux seuls salariés des entreprises qui versent des dividendes serait inéquitable et contreproductive » car les entreprises de l’artisanat et du commerce offrent « l’un des plus forts potentiels de création d’emplois ». Et elles n’ont pas la taille et la puissance requises pour entrer dans ce processus.
L’opposition s’est saisie du sujet notamment Ségolène Royal qui tente en ce moment de retrouver la popularité dont elle bénéficiait au moment de la campagne présidentielle de 2007. Candidate à l’investiture socialiste pour la présidentielle de 2012, Ségolène Royal estime que Nicolas Sarkozy est « bien en deça de ce qu’il avait promis » lors de son premier mandat en matière de répartition des profits. Tout en se disant d’accord « sur le principe » avec la création de cette prime, Ségolène Royal met en avant d’autres propositions pour sauvegarder le pouvoir d’achat comme notamment bloquer le prix de l’essence dont chaque augmentation a des répercussions sur le coût de la vie.
Martine Aubry, la première secrétaire du Parti socialiste, estime que « les nouvelles annonces de M. Sarkozy n’y changeront rien : il restera le président du payer plus et gagner moins », pastichant le slogan du président : travailler plus pour gagner plus.
Le Parti communiste français a, pour sa part, parlé de « prime à la démagogie ».
« Que deviennent les 75% de salariés, dont les fonctionnaires, travaillant dans des entreprises qui ne sont pas concernées par des dividendes donc par une éventuelle prime ?», demande pour sa part le MoDem qui parle de cafouillage.
Europe Ecologie-Les Verts n’a pas réagi à ce projet de prime.