La mosquée de Kallisté est située dans une cave d'immeuble des quartiers nord de Marseille. A l’entrée, les fidèles empruntent une porte banalisée à gauche de l’ascenseur. « Un sas » est prévu pour se changer, se déchausser, en face, une douche est réservée aux ablutions. A la sortie, Hassad, 10 ans, récite une sourate avant d’aller rejoindre ses copains de jeu sur le parking. Trois fois par semaine, il suit des cours à l’école coranique.
L’islam est la deuxième religion de France après le catholicisme et avant le protestantisme et le judaïsme. C’est à Marseille que cette communauté de culture musulmane très diversifiée est la plus importante, avec 70 000 Comoriens, 70 000 Algériens, 30 000 Tunisiens, 15 000 Marocains et ceux de l'Afrique subsaharienne. Avec ses 63 lieux de prières et ses 220 000 fidèles la ville tente d’organiser son culte.
Une mosquée qui peine à sortir de terre
Contrairement à d’autres grandes villes de France, Marseille n’a toujours pas de mosquée digne de ce nom. Après la remise du permis de construire, la pose symbolique de la première pierre, le projet de construction de la grande mosquée piétine. « Cette mosquée doit être celle des Marseillais », souligne Yves Moraine, président du groupe de la majorité municipale UMP de Marseille, « la municipalité a tout fait dans la légalité en respectant la loi de 1905 qui interdit à l'Etat de financer des édifices religieux. Aujourd'hui ce qui fait défaut, c'est le nerf de la guerre, l'argent ».
En effet, les fonds nécessaires à la construction de la mosquée ne sont toujours pas réunis : le coût du projet est estimé à 22 millions d’euros. L’association La Mosquée de Marseille, maître d’ouvrage du projet reste patiente malgré les embûches. « Le permis de construire a été attaqué en justice à plusieurs reprises par le Front national. Nous sommes devant le tribunal administratif, c'est le dernier recours. Nous avons déjà gagné cinq procès », souligne Abderrahman Ghoul, président de l’association La Mosquée de Marseille. Et d'ajouter le sourire aux lèvres « une fois ce dernier obstacle levé, ce rêve deviendra réalité : construire la plus grande mosquée d'Europe ». En attendant, les musulmans de Marseille se débrouillent. Le vendredi, dans le quartier dit « arabe », certains fidèles prient à même le sol dans la rue du Bon Pasteur.
L'islam fait peur
Entre prières des caves et prières des rues, l’islam fait peur. Olivier Bobineau chercheur à l'école pratique des hautes études et au CNRS, le déplore : c'est l'islam radical qui occupe la Une des médias. « Les plus radicaux ne représentent que 2% d'une communauté très diversifiée. Dans leur grande majorité les musulmans pratiquent leur culte dans le respect des valeurs républicaines. »
Depuis quatre ans, l’Institut catholique de Paris a mis en place une formation profane et originale à la laïcité. L'objectif est de permettre l'intégration républicaine des prédicateurs musulmans : imams, aumôniers des armées, des hôpitaux ou des prisons.
A ce jour, 83 cadres cultuels musulmans ont reçu cette formation universitaire et diplômante, a été financée à sa création par l'ex-ministère de l'Immigration. Les élèves écoutent religieusement le cours dispensé par Olivier Bobineau intitulé : « religions, laïcité interculturalité ». Parmi eux Abdoulaye Leye, président de la Fédération des Mourides de France, une confrérie islamique originaire du Sénégal. Il est là pour connaître ses droits. « Cela va me servir pour rencontrer mes interlocuteurs à savoir les pouvoirs publics, souligne-t-il. Les musulmans n'ont pas assez de lieux de cultes et notre communauté s'agrandit ».
Le halal, un marché qui a le vent en poupe
Pas assez de lieux de cultes musulmans, mais en revanche un commerce florissant : celui du halal. Chaque supermarché propose désormais un rayon spécialisé pour satisfaire la clientèle musulmane. Le marché du halal représente plus de 5 milliards d’euros et profite aux grands groupes industriels et de la distribution. Le secteur souffre de la multiplication des organismes.
Pour la directrice de l’Union des familles musulmanes des Bouches-du-Rhône, Nasséra Benmarnia, il est urgent d’assainir la filière. « Le halal devrait bénéficier de labels, comme le bio », explique-t-elle. Et elle ajoute : « La communauté musulmane devrait se réapproprier la filière. Cela pourrait être un moyen de dégager des fonds pour la construction de mosquées ». S’approprier la filière halal pour créer des sources de financement propres à la communauté musulmane française, c’est le genre de propositions concrètes que les quatre millions de musulmans en France auraient aimé voir sortir du débat sur la laïcité...