Le résultat principal de cette étude réalisée par internet auprès d'un échantillon représentatif de 1317 personnes, c'est que la présidente du Front National reste en tête avec 24% des voix, quels que soient ses adversaires. Elle se retrouverait alors au second tour face à Dominique Strauss-Khan. Nicolas Sarkozy serait alors purement et simplement éliminé, c'est le scénario d'un 21 avril 2002 à l'envers. Si c'est François Hollande qui représentait les socialistes, c'est lui qui serait éliminé pour laisser la place à un duel Sarkozy / Le Pen.
Soupçon de manipulations
Cette enquête publiée dans le journal Le Parisien fait débat. Dès samedi, plusieurs responsables politiques et observateurs s'étaient étonnés du fait que l'hypothèse DSK n'ait pas été explorée d'entrée par les sondeurs. C'est ce qui a été fait pour un résultat équivalent, donc. A droite, on s'étonne de la multiplicité des candidatures issues de la majorité proposées aux sondés. Des voix s'élèvent également pour dénoncer une manipulation ou un coup de pub. Aujourd'hui, le site internet d'information Mediapart affirme que les gens qui ont répondu à l'étude ont été payés. Ce que récuse le patron du département opinion. Du coup, le groupe parlementaire socialiste a l'Assemblée nationale demande au gouvernement d'inscrire au plus vite une proposition de loi visant à plus de transparence dans les sondages. Proposition déjà adoptée à l'unanimité au Sénat.
Une vraie dynamique
Manipulation ou pas, la dynamique du Front National dans l'opinion semble réelle. C'est en tout cas ce qui ressort des différentes enquêtes réalisées par différents instituts depuis plusieurs semaines. Marine Le Pen le disait elle-même dimanche sur iTélé : « Il y a trois mois j'étais à 11 ou 12%, aujourd'hui, d'après les différents sondeurs, je suis entre 20-25%, vous ne sentez pas qu'il se passe quelque chose ? Moi, je crois qu'il se passe quelque chose ».
C'est ce que semblent en tout cas indiquer les remontées de terrain obtenues par les différents partis dans la campagne pour les élections cantonales des 20 et 27 mars. Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste, ne le cachait pas lundi lors du point presse hebdomadaire de son parti.
La majorité inquiète
A droite, cette dynamique inquiète de même que l'éventualité de l'élimination de Nicolas Sarkozy dès le premier tour. « Il ne faut pas tourner autour du pot, ce sondage me fait peur ». Ce cri du cœur est signé du député UMP Bernard Debré. On ne sait pas si cela traduit un affolement dans l'actuelle majorité, mais cela commence à donner l'impression d'un certain manque de cohésion. Car non content de faire part de ses craintes, l'élu parisien fait aussi part de ses doutes sur le discours porté par son parti sur l'islam, ou la laïcité. Ce discours, ce débat est notamment défendu par l'Elysée et par le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, qui après avoir appelé ses troupes à garder leur sang-froid, avec un succès que chacun appréciera, s'applique maintenant à faire remarquer que le total Sarkozy + Villepin reste supérieur à celui de Marine Le Pen, suggérant ainsi qu'une candidature unique réglerait le problème.
Le Premier ministre François Fillon appelle aussi les siens à ne pas s'affoler, et n'oublie pas non plus de rejeter les responsabilités sur l'opposition socialiste. Quant au ministre du Travail et de la Santé Xavier Bertrand, il affirme que les sondages réalisés à 1 an de la présidentielle ne se réalisent jamais. Bref, chacun y va de sa suggestion, voire de son incantation. Tous se demandent jusqu'où le phénomène Marine Le Pen va aller. Et on peut même se demander s'il ne suffirait pas de quelques sondages de cet acabit pour bouleverser les stratégies des principaux états-majors.
Il est difficile de donner une explication à cette montée en puissance. Tout juste peut-on noter qu'à 14 mois de l'échéance, le décor définitif et la distribution de la pièce sont loin d'être finalisés. Le Front National, au contraire de la droite et de la gauche parlementaire, est en ordre de bataille, avec une candidate, des troupes motivées et un discours bien en place, ce qui n'est pas le cas ailleurs. Surtout à gauche, où le Parti socialiste n'a encore ni projet et encore moins de candidat indiscutablement désigné. Alors qu'à droite, Nicolas Sarkozy, dont la candidature n'est pas officielle mais est quasi certaine, ne parvient pas à faire décoller sa cote de popularité.