Par Anna Piekarec
Lundi 2 mars, Patrick Pélata, le numéro deux de la fameuse marque au losange, était reçu à sa demande à Matignon et au ministère de l’Industrie. Selon les informations du quotidien Libération, il a admis pour la première fois que Renault pourrait avoir été manipulé et que deux des trois cadres, licenciés pour corruption, auraient pu être victimes d’un règlement de comptes interne. En revanche, les soupçons pèsent toujours sur le troisième « remercié », Michel Balthazard, membre du comité de direction de Renault.
La carte de la voiture électrique
Depuis le début de l’affaire, les doutes entourent l’enquête interne menée par Renault. Les trois salariés du groupe avaient été dénoncés par une dénonciation anonyme, mais ni leurs avocats ni le parquet de Paris ne l’ont lue. Des experts de leur côté parlent de méthodes illégales de surveillance de salariés. Le management brutal pratiqué par le patron de Renault, Carlos Ghosn, est critiqué de plus en plus ouvertement. Selon un expert en ressources humaines qui connaît bien l’entreprise, Carlos Ghosn a tout misé sur la carte de la voiture électrique. Quelque 4 milliards d’euros ont déjà été investis dans ce programme au cœur de toutes les convoitises. Le PDG du groupe sait qu’il n’a pas le droit à l’échec et, aux dires de ceux qui le connaissent, la tension le rend un peu paranoïaque.
Les comptes en Suisse et au Lichtenstein
Maître Jean Reinhart, l’avocat de la firme, souligne cependant que pour le moment il n’y a pas d’élément permettant de dire que la thèse d’espionnage est fausse. « Rien ne nous permet de penser que nous nous sommes trompés de cible. Nous attendons les conclusions des commissions rogatoires en cours, en Suisse et au Lichtenstein », souligne-t-il.
Ces conclusions sont attendues dans les prochains jours. Selon les informations non officielles acquises par les enquêteurs de la Direction centrale du renseignement (DCRI), il n’y pas de compte en Suisse aux noms de Matthieu Tenenbaum, Michel Balthazard et Bertrand Rochette. La réponse du Lichtenstein doit être connue dans deux semaines. Si les deux pays apportent la preuve que les comptes n’existent pas ou qu’ils auraient été attribués à tort aux trois ex-salariés du groupe, l’enquête pénale pourrait aboutir à la conclusion que Renault a été manipulé de l’intérieur ou de l’extérieur afin d’être déstabilisé.
Un quatrième licencié
Les policiers de la DCRI, qui ont déjà perquisitionné les bureaux des trois accusés, interrogé le personnel du constructeur, épluché ses archives, s’intéressent maintenant à Philippe Clogensen, ex-directeur du marketing clients de Renault, licencié en 2009. Son cas présente d’étranges similitudes avec ceux de ses collègues licenciés au début de l’année. Dans l’entretien publié mercredi 3 mars dans Le Parisien, Philippe Clogensen affirme avoir été injustement accusé d’avoir touché des pots-de-vin sous forme d’argent versé par des prestataires de l’entreprise. Ses avocats, qui affirment que leur client a choisi enfin de briser le silence et de témoigner, s’apprêtent à déposer une plainte « pour dénonciation calomnieuse ».