Jacques Servier persiste et signe. Après avoir qualifié de contre-vérités les allégations incriminant le Mediator, le patron du laboratoire a donné une version pour le moins surprenante à ses salariés, lors de sa présentation des vœux mardi 4 janvier.
Pour lui, le chiffre estimé de 500 morts est « un très beau chiffre marketing , mais il ne s’agit que de trosi morts, dit-il. Les autres avaient déjà des valvulopathies », assure-t-il, d’après le journal Libération.
Pourtant, cette évaluation de 500 décès minimum en France est le résultat d’une étude très sérieuse, menée par l’épidémiologiste Catherine Hill à la demande de l’Afssaps, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Une autre étude, prenant en compte la mortalité à long terme, et réalisée par deux scientifiques de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) fait état d’une fourchette allant de 1000 à 2000 décès.
Sur 17 valvulopathies analysées, 12 sont liées au médicament
Le Mediator, présenté comme un anti-diabétique et largement utilisé comme coupe-faim, peut en effet entraîner une atteinte très grave des valves cardiaques pouvant être fatale - des travaux scientifiques l’ont prouvé.
Xavier Bertrand, ministre de la Santé, s’est déclaré « stupéfait [par les propos du fondateur du 2ème laboratoire pharmaceutique français] s’ils ont été réellement tenus».
Par ailleurs, Jacques Servier, 88 ans et visiblement très en verve, a dénoncé l’œuvre d’une « mafia » jugeant qu’« il n’y a rien de spontané dans le déroulement de l’affaire du Mediator ». Cette rhétorique n’est pas nouvelle. « C’est à se demander si cette affaire est une fabrication », avait-il déjà déclaré fin novembre au journal Le Monde, dans la seule interview sur cette affaire accordée à ce jour à un média.
Ironie de l’histoire, cette stratégie de défense est mise à mal par une étude commanditée par le groupe lui-même et révélé par le quotiden Le Figaro. Nous sommes alors à la mi-2009. Plus de dix ans se sont écoulés depuis les premières mises en garde au sujet de ce médicament, mais depuis 2008, la pression se fait plus grande, grâce en particulier aux travaux d’Irène Frachon, pneumologue au Centre hospitalo-universitaire de Brest.
Le laboratoire Servier demande alors à un éminent cardiologue d’étudier le lien éventuel entre le Mediator et l’apparition de valvulopathies. Résultat : sur 17 valvulopathies analysées, 12 sont liées au médicament. Pourtant, le laboratoire ne suspend pas sa commercialisation. En octobre 2009, il demande au spécialiste de présenter son rapport à l’Afssaps et fait des « propositions de modifications du résumé des caractéristiques du produit » afin de « prendre en compte ce risque de valvulopathies » d’après le procès verbal cité par Le Figaro. Faute de quorum, l’Afssaps ne peut pas statuer. Elle le fera quelques semaines plus tard, en décidant de retirer le Mediator du marché, sur la base de plusieurs études scientifiques.