Elle a refait le coup du frigo. C’était à l’automne 2008, juste avant le congrès de Reims, pour la succession de François Hollande, Ségolène Royal promettait de mettre sa candidature « au frigidaire ». On connait la suite : l’ex-candidate se lançait finalement à l’assaut du Parti socialiste, en vain.
Deux ans plus tard, rebelote. Ségolène Royal annonce au printemps dernier qu’elle « sacrifie » ses « ambitions personnelles », et propose un « dispositif gagnant » pour la présidentielle. La présidente de la région Poitou-Charentes rentre dans le rang, deux ans après le fratricide congrès de Reims. Une opération bénéfique pour elle, qui a perdu depuis longtemps son statut de « madone de sondages »… Cette « entente cordiale » lui permet de se recentrer, d’incarner l’unité, et même de remplacer parfois au pied levé une première secrétaire défaillante.
Ségolène Royal a peu goûté la sortie télévisée de Martine Aubry
Tout allait donc pour le mieux au « pays des Bisounours », le nouveau surnom donné au Parti socialiste lors de la dernière université d’été de La Rochelle, à la fin de l’été. Seulement voilà, la semaine dernière, Ségolène Royal a peu goûté la sortie télévisée de Martine Aubry. Interrogée sur son éventuelle candidature aux primaires, la première secrétaire du PS répond : « Nous proposerons une candidature véritablement ensemble, c’est-à-dire pas l’un contre l’autre, ou l’une contre l’autre ».
Martine Aubry accrédite l’idée d’un pacte entre elle, Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal. Un petit arrangement entre camarades, que s’empressent de dénoncer tous les prétendants qui n’ont font pas partie, François Hollande ou Manuel Valls. Un pacte, qui plus est, suspendu au bon vouloir de Dominique Strauss-Kahn. La primaire est gelée jusqu’à ce que le directeur général du FMI, le champion toutes catégories des sondages, veuille bien faire connaître ses intentions.
Ségolène Royal entre alors en piste. Et s’empresse de contredire publiquement la première secrétaire. « Je ne dénonce pas le pacte, il n’existe pas, déclare Ségolène Royal. Personne ne s'interdit d'être candidat aux primaires, y compris moi. »
Rattraper le retard sur DSK, Martine Aubry et François Hollande
Ce qui sera fait trois jours plus tard, dans une interview donnée à la presse locale - dans ses terres poitevines -, comme un certain Jacques Chirac, en 1994 - lui aussi était à la traîne dans les sondages… La spécialiste du contre-pied politique rappelle qu’elle n’a renoncé à rien, elle qui promettait déjà à ses partisans, le soir de sa défaite à la présidentielle, de les conduire « vers d’autres victoires » (sic).
Ségolène Royal met en avant son CV et son expérience d’ancienne candidate. Or, la présidentielle est une course de fond, et le calendrier des primaires apparaît trop tardif, avec la désignation du candidat à l’automne prochain seulement. Pour Ségolène Royal, le temps presse : cette fois elle n’est plus la favorite, et doit rattraper son retard sur Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry et même François Hollande, alors que Nicolas Sarkozy, lui, à la faveur du remaniement du gouvernement, vient de mettre en place son dispositif de campagne.
« Pauvre PS ! »
Ce faisant, Ségolène Royal, spécialiste du contre-pied politique, accélère le calendrier des primaires, et prend les devants en espérant prendre de vitesse ses principaux rivaux. Elle se permet même, sur France Inter, de proposer à Dominique Strauss-Kahn le poste de Premier ministre s’il renonçait au FMI, comme elle l’avait fait juste avant le premier tour de la présidentielle !
L’annonce surprise de cette candidature suscite des commentaires divers et variés au sein du PS. Pour son ancien directeur de campagne, Jean-Louis Bianco, « elle a raison ». « Logique et prévisible », se contente de relever le porte-parole du PS Benoît Hamon. Mais l’ancien soutien de Ségolène Royal au congrès de Reims, le maire de Lyon Gérard Collomb, pense lui qu’elle « a perdu beaucoup de son aura ». « Pauvre PS ! », se contente de lâcher l’ancien ministre de la Culture Jack Lang. Martine Aubry, elle, reste silencieuse.