Attentat de Karachi: Villepin accrédite la piste de la corruption

Dominique de Villepin a évoqué, le 25 novembre 2010, devant le juge Renaud Van Ruymbeke, ses « convictions très fortes » que des rétrocommissions sur des contrats d'armement ont pu financer la campagne d'Edouard Balladur pour la présidentielle de 1995. Olivier Morice, qui défend les familles de victimes de l'attentat de Karachi, a assisté à cette audition de plus de quatre heures.

Pour appuyer ses dires, Dominique de Villepin aurait cité des rapports de la DGSE, les services secrets français, qui auraient identifié des flux financiers tendant à prouver l'existence de rétrocommissions.

Seconde information importante délivrée par l'ancien Premier ministre : à ses yeux, il n'y a pas de lien entre l'arrêt du versement des commissions vers le Pakistan et l'attentat de Karachi en 2002 dans lequel 11 techniciens français de la DCN ont trouvé la mort.

Mais à la sortie du pôle financier, Olivier Morice, le défenseur des familles des victimes de l’attentat, a apporté une précision très intéressante : il a indiqué que lorsque le juge Van Ruymbeke a demandé à Dominique de Villepin les noms des bénéficiaires de ces rétrocommissions, l'ancien Premier ministre est resté silencieux pendant de longues minutes et n'a pas répondu.

Et c'est bien la preuve, selon Olivier Morice, que Dominique de Villepin craint, en dénonçant des personnes, de provoquer un véritable séisme qui déstabiliserait sa famille politique à savoir la majorité présidentielle.

Donc Dominique de Villepin est resté prudent, il n'a peut-être pas tout dit. La suite, désormais, ce sera dans le bureau du juge Trévidic où il est attendu dans quelques jours.

Publier les débats sur l'adoption des comptes de campagne

Alors que Dominique de Villepin a été entendu, à sa demande, par le juge Van Ruymbeke, l'ancien président du Conseil constitutionnel Roland Dumas s'est prononcé, dans une interview publiée par le quotidien Le Monde, pour la publication des débats entre les neuf sages du Conseil, concernant les comptes de campagne de 1995, ce que refuse l'actuel président de l'institution, Jean-Louis Debré. Au centre des interrogations, le financement de la campagne d'Edouard Balladur pour l'élection présidentielle de 1995. A l'époque, ses comptes de campagne avaient finalement été approuvés par le Conseil constitutionnel.

Nous sommes en octobre 1995, cinq mois après l'élection de Jacques Chirac. Au Conseil constitutionnel les comptes de campagne d'Edouard Balladur suscitent la perplexité des rapporteurs. Son équipe est incapable de justifier l'origine de plus de 10 millions de francs (1 million et demi d'euros) versés en argent liquide.

Les rapporteurs préconisent alors le rejet des comptes de l'ancien Premier ministre. Mais Roland Dumas, le président du Conseil, leur demande de revoir leur copie. Si les comptes de Balladur sont rejetés, plaide l'ancien avocat de Mitterrand, il faudrait aussi rejeter ceux de Chirac (guère plus clairs), et donc invalider l'élection du président au suffrage universel. Impossible, la légitimité des urnes est plus importante que celle du droit.

Mais quinze ans après, les zones d'ombres demeurent, et alimentent la thèse des rétrocommissions et du financement illégal de la campagne d'Edouard Balladur. A moins que cet argent liquide ne provienne plus simplement des fonds spéciaux de Matignon.

Alors pour tenter de le savoir, les familles des victimes de l'attentat de Karachi réclament la publication des délibérations du Conseil constitutionnel, couvertes par le secret jusqu'en 2020, sauf si la majorité parlementaire accepte de modifier la loi.

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