Samedi dernier, en marge du sommet de l'Otan à Lisbonne, Nicolas Sarkozy a affirmé que la justice aurait accès à tous les documents pour mener à bien ses investigations. Or, ce lundi 22 novembre 2010 dans l'après midi, le Premier ministre a refusé au juge Van Ruymbeke une perquisition au siège de la DGSE, les services secrets français.
L'Etat tient donc un double langage, jouant sur les deux volets de l'affaire, d'une part l'attentat et d'autre part la corruption. Pour le volet attentat, il prône la transparence, et dans le volet corruption les juges Marc Trévidic et Renaud Van Ruymbeke se heurtent à un obstacle de taille, la classification des documents les plus sensibles.
Les magistrats n'ont obtenu que des pièces tronquées et expurgées
Les deux juges d'instruction veulent en particulier obtenir la communication de documents rédigés par Dominique Castellan, l'ancien PDG de la branche internationale de la direction des constructions navales. Des documents qui détailleraient l'arrêt des commissions versées aux intermédiaires lors de la vente des sous-marins français au Pakistan. Ils en ont fait la demande ce lundi matin à Alain Juppé, nouveau ministre de la Défense.
Jusqu'à présent, les magistrats n'ont obtenu que des pièces tronquées, expurgées et surtout délivrées au compte goutte. Outre les archives classées « secret-défense », ils souhaiteraient également avoir accès aux comptes de campagne du candidat Balladur. Mais là encore, le Conseil Constitutionnel oppose un ferme refus.
Où le nom de Nicolas Sarkozy apparait dans l'affaire…
Si ces derniers jours l'instruction a connu des avancées spectaculaires, c'est surtout grâce aux dépositions de témoins clés. Après l'ancien ministre de la Défense Charles Millon, un haut fonctionnaire, Michel Mazens, a confirmé devant la justice qu'il avait eu ordre de mettre fin aux versements des commissions sur la vente des sous-marins. Dominique de Villepin, qui vendredi a fait part de très fort soupçons de corruption, avant de modérer ses propos dimanche, devrait être entendu par la justice cette semaine.
La justice en est toujours au stade des hypothèses. Néanmoins, cette enquête met l'Elysée sous pression. Pour bien comprendre la situation, il faut revenir en 1994.
A cette époque, la Direction de la Construction Navale signe un important contrat avec le Pakistan pour la fourniture de trois sous marins. C'est le contrat Agosta, qui s'élève à plus de 800 millions d'euros. La DCN verse des commissions à hauteur de 10% du contrat à des officiels pakistanais pour en faciliter la signature.
Or, les deux juges Trévidic et Van Ruymbeke ont découvert qu'une partie de ces commissions étaient revenues en France. Ce sont les fameuses rétrocommissions. Cet argent aurait transité par le Luxembourg, via une société off-shore baptisée « Heine ».
Une société créée avec l'aval du ministre du Budget de l'époque, Nicolas Sarkozy. Ces millions d'euros ainsi collectés auraient pu servir à financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995.