Fillon : feuille de route et marge de manoeuvre

François Fillon a prononcé ce mercredi 24 novembre 2010 après-midi son discours de politique générale à l'Assemblée nationale. Cet exercice lui a permis de présenter aux députés les grandes orientations de son action pour les 18 prochains mois, à savoir jusqu'à la présidentielle de 2012. Car François Fillon et sa nouvelle équipe devraient rester en place jusqu'au bout du mandat de Nicolas Sarkozy.

Après plusieurs mois de réflexion, Nicolas Sarkozy a fait le choix de reconduire le même Premier ministre et ne semble plus le considérer comme un simple « collaborateur », un mot qu'il avait pourtant employé en 2007. Lors de son interview télévisée du 16 novembre dernier, le chef de l’Etat l’a presque présenté comme un alter-ego :

« Si j’ai demandé à François Fillon de continuer c’est parce que j’ai une grande confiance en lui, parce qu’il est très compétent, parce que nous travaillons ensemble sans aucun nuage depuis des années, a déclaré Nicolas Sarkozy. Nous avons pu avoir, ici ou là, des discussions mais on l’a fait dans le cadre d’un respect mutuel. Au fond François Fillon et moi, nous sommes de la même génération, nous avons connu la même vie politique, nous avons une confiance totale l’un dans l’autre. »

Dans le discours au moins, il y a incontestablement eu une évolution entérinée par Nicolas Sarkozy mais initiée par François Fillon qui, dès l'été, avait pris ses distances avec le Président de la République. Notamment en septembre, à l'occasion d'une interview télévisée sur France 2 qui avait fait grand bruit.

« Avec Nicolas Sarkozy notre histoire, c’est l’histoire d’une alliance, avait dit François Fillon. J’ai accepté, j’ai choisi de le soutenir et de faire alliance avec lui parce qu’il m’a semblé que c’était le meilleur candidat pour gagner les élections présidentielles. Je pense que je ne me suis d’ailleurs pas trompé. Donc Nicolas Sarkozy n’a jamais été mon mentor, j’ai fait alliance avec lui. J’ai choisi de l’aider à être président de la République et je m’en félicite tous les jours. »

Une marge de manoeuvre renforcée ?

Reconduit et apparemment plus indépendant, François Fillon a-t-il désormais les moyens d'exister face à Nicolas Sarkozy ? C'est la question que l'on peut se poser, en effet, et que notre confrère Florent Guignard a d'ailleurs posé au politologue Jean-Daniel Lévy du département opinion de Harris interactive, qui réagissait sur RFI  à la suite de l'intervention télévisée de Nicolas Sarkozy.

« Considérer que Nicolas Sarkozy va laisser libre cours à l’expression politique de François Fillon ça serait, je crois, mal connaître la psychologie du personnage et du président de la République, déclarait Jean-Daniel Lévy. Jusqu’à présent, il a toujours cherché à montrer qu’il avait la maîtrise, et même dans les situations de difficulté, même lorsqu’il était au pied du mur, à montrer qu’il avait une certaine forme d’autorité à l’égard de son gouvernement et à l’égard de l’ensemble des concitoyens. »

Evoquer un Fillon devenu « hyper-Premier ministre », comme on l'a beaucoup dit depuis le remaniement, face à un Sarkozy « hyper-président » mais en perte de vitesse, c'est donc aller peut-être un peu vite en besogne. Dans l'opposition en tout cas, on est loin d'être persuadé que François Fillon puisse vraiment s'émanciper et on demande des preuves. Le député socialiste Alain Vidalies va donc écouter le discours de politique générale avec attention : « La seule question c’est de savoir s’il va rester totalement dans le chemin tracé par le président de la République ou s’il va évoquer d’autres pistes. Donc s’il y a un nouveau Fillon ou s’il y a un hyper-Premier ministre, on appréciera à l’aune de la liberté d’expression et de sa capacité à formuler de nouvelles propositions. On n’est pas très optimistes sur cet aspect-là. »

Du côté de la majorité en revanche, certains parlementaires estiment que François Fillon a désormais la possibilité de remplir totalement sa tâche de chef du gouvernement. C'est en tout cas l'avis d'Hervé Mariton. « J’ai toujours appelé à ce que la fonction de Premier ministre soit pleinement remplie, déclare le député de la Drôme. Je demande tout cela, rien que cela, pas plus que cela. Aujourd’hui, François Fillon est pleinement Premier ministre et c’est une bonne chose. »

Le duo exécutif a trouvé un équilibre sur la forme. Et sur le fond, il n'y a pas de différences majeures entre Nicolas Sarkozy et François Fillon. Les priorités définies par le Premier ministre la semaine dernière à l'Assemblée correspondent parfaitement à celles du président de la République.

 « J’ai lu dans la presse que mon gouvernement était un gouvernement de combat, disait François Fillon. Eh bien, je le confirme c’est un gouvernement de combat. C’est un gouvernement de combat contre l’endettement, c’est un gouvernement de combat contre le chômage, c’est un gouvernement de combat contre les injustices et c’est un gouvernement de combat contre l’insécurité. »

C'est donc peut-être dans le ton et dans la méthode -le « combat »- que François Fillon veut montrer sa différence lors de son discours de politique générale devant les députés qui ont promis de lui faire une ovation pour bien montrer leur soutien, qui lui a d’ailleurs permis de rester à Matignon. Un soutien dont François Fillon a besoin vis-à-vis de Nicolas Sarkozy mais aussi et surtout peut-être maintenant de Jean-François Copé, son rival direct pour la succession du président de la République en 2017, qui vient de prendre l'autre poste clef, celui de chef de l'UMP.

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