Turquie: des législatives à fort enjeu pour l'AKP

De nouvelles législatives anticipées se sont tenues en Turquie, ce dimanche. Lors des dernières, en juin, le parti au pouvoir, l’AKP, avait perdu sa majorité absolue à l'Assemblée. Il n'avait ensuite pas réussi à former une coalition gouvernementale. Du coup, les autorités ont décidé d’organiser de nouvelles élections. Les derniers bureaux de vote ont fermé à 17 heures, heure locale (14h TU). 

54 millions d’électeurs turcs pour 550 sièges de députés, choisis parmi 16 partis en lice. Un scrutin sous protection de 400 000 membres des forces de l’ordre, surveillé par 60 000 scrutateurs volontaires et suivi par 300 observateurs internationaux. Moins de cinq mois après la dernière consultation, la Turquie renouvelle son Parlement, sans trop savoir pourquoi.

Le choix se portera en tout cas très probablement sur les mêmes quatre partis désignés au début de l’été, signale notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion, à savoir par ordre alphabétique : le Parti de la justice et du développement (AKP), le Parti républicain du peuple (CHP, principale formation de l’opposition), le Parti démocratique des peuples (HDP, parti kurde) et le Parti du mouvement national (MHP, droite nationaliste), si on en croit les enquêtes d’opinion qui donnent toutes le même quatuor gagnant pour la représentation nationale, dans des proportions similaires au dernier scrutin.

Le pari pour l’AKP est de regagner, après 13 ans d’un règne sans partage, la confiance des électeurs, une confiance perdue il y a cinq mois puisque le parti de Recep Tayyip Erdogan et de Ahmet Davutoglu avait perdu la majorité absolue.

La Constitution dans le viseur

Dans la foulée, la recherche d’une coalition gouvernementale avait échoué et si le message des électeurs ne change pas après cinq mois de crise politique et trois mois de crise sécuritaire, il sera clair que l’AKP ne pourra plus gouverner seul en Turquie et que le président Erdogan devra renoncer à son grand projet de modifier la Constitution et instaurer un régime présidentiel fort, taillé pour ses ambitions.

Au cours de cette campagne qu’il a une nouvelle fois dominée de tout son poids, Recep Tayyip Erdogan a demandé qu’on lui donne une majorité absolue aussi pour atteindre ce but.

Mais il est peu probable que l’AKP fasse mieux que lors du dernier scrutin. Dans les meetings, d’ailleurs, ces derniers temps, on entendait surtout des appels à assurer une simple majorité qui permettrait à l’AKP de gouverner, mais on entendait beaucoup moins parler du projet de nouvelle Constitution.

Le HDP prêt pour un nouveau « coup »

En face, l'opposition est aussi déterminée à faire échec aux desseins de l'AKP. Notamment la formation pro-kurde du HDP, qui était arrivée, avec 13 % des voix,  en juin dernier, à faire élire 80 députés au Parlement.

« Je veux la fin de ce gouvernement », confiait ainsi un électeur de Diyarbakir à notre envoyé spécial Nicolas Falez, ce matin. Dans cette région majoritairement kurde du sud-est du pays, on accuse en effet le pouvoir d’avoir délibérément relancé le conflit armé avec les indépendantistes du PKK durant l’été pour remobiliser le camp nationaliste conservateur en Turquie.

« Cette stratégie qui a été la stratégie de durcir le débat politique et notamment de mettre l’opinion devant une sorte de dilemme - la poursuite du régime de l’AKP où le chaos - n’a pas véritablement marché, analyse Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble, parce que, depuis les élections du 7 juin, on n’a pas vu beaucoup de mouvements, de réactions de l’opinion qui allaient dans [le] sens d’un durcissement nationaliste. »

 → A (RE)LIRE : Turquie: législatives anticipées sous haute tension dans le sud-est

Pour la majorité des Kurdes de Diyarbakir, constater que le pouvoir actuel échoue à retrouver sa majorité absolue serait déjà une victoire.

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