Turquie: législatives anticipées sous haute tension dans le sud-est

On vote ce dimanche 1er novembre en Turquie, dans le cadre d'élections législatives anticipées. Le précédent scrutin en juin n’avait en effet pas permis de dégager une majorité absolue ni de former une coalition de gouvernement. Le parti islamo-conservateur AKP, au pouvoir depuis treize ans, espère regagner la majorité absolue perdue il y a cinq mois. Dans l'opposition, le HDP, parti de gauche pro-kurde, espère lui rééditer son bon score de juin qui lui avait permis de faire entrer 80 députés au Parlement. Le scrutin de ce dimanche se déroule en tout cas dans un climat extrêmement tendu dans le sud-est de la Turquie, où les affrontements entre la rébellion kurde et l’armée ont brusquement repris ces derniers mois.

Avec notre envoyé spécial à Diyarbakir,  Nicolas Falez

Après de violents combats et des centaines de victimes, la guérilla kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a annoncé un cessez-le-feu il y a trois semaines. A Diyarbakir, la grande ville du sud-est de la Turquie, certains quartiers portent toujours les traces des affrontements entre rebelles et forces de l’ordre. Dans la région, de vastes territoires ont été décrétés « zone de sécurité » par l’armée qui y mène encore des opérations.

C’est dans ce climat tendu que les habitants kurdes du sud-est de la Turquie vont voter ce dimanche. Au niveau local, il n’y a aucun suspense. Comme en juin dernier, c’est le HDP, le Parti démocratique des peuples, qui fera le plein de voix. Cette formation de gauche, pro-kurde, est ici chez elle et elle ne cesse de reprocher au gouvernement d’avoir volontairement relancé le conflit kurde à des fins électorales.

Dirigeants et électeurs du HDP espèrent qu’au niveau national, leur parti atteindra ou dépassera son score de juin, puisqu’en franchissant le seuil d’éligibilité des 10 %, le parti avait alors envoyé d’un coup 80 députés au Parlement. Un nouveau succès électoral du HDP ce dimanche serait une très mauvaise nouvelle pour l’AKP, le parti conservateur au pouvoir depuis 13 ans en Turquie.

Une députée allemande en campagne pour le HDP

Parmi ces nouveaux élus kurdes du HDP, une femme turque, née en Allemagne, aujourd'hui en campagne dans le sud-est du pays. Elle embrasse les enfants, discute avec les commerçants, pose pour la photo. Feleknas Uca fait campagne en professionnelle de la politique. Née en Allemagne, élue jusqu'en 2009 au Parlement européen sous les couleurs du parti de gauche Die Linke, elle s'est ensuite établie en Turquie, son pays d'origine. Et aujourd'hui elle assène le discours de campagne de son parti, le Parti démocratique des peuples (HDP).

« Les gens nous demandent une seule chose : nous voulons la paix, faites quelque chose pour la paix. Parce qu'il n'y a que deux choix : la guerre ou la paix. Nous avons le chemin de la paix. L'AKP c'est celui de la guerre. L'élection sera un référendum pour ou contre la guerre. »

Feleknas Uca est Allemande, elle est Turque, elle est aussi Yézidie, cette minorité religieuse kurdophone, présente dans plusieurs pays de la région. Pour la candidate, cette appartenance c'est aussi un message politique. « Pour nous il est important de dire qu'en Turquie il y a des Kurdes, des Turcs, des Arabes, des Assyriens, des Alévi qui vivent ensemble. Et pour ça il est important de modifier la Constitution turque.
Et alors chacun aura les mêmes droits. 
»

Feleknas Uca a étéélue députée en juin dernier. Ce dimanche, elle brigue de nouveau l'un des 550  sièges du Parlement turc.


 ■ L'économie turque affectée par la crise

Les élections législatives turques se déroulent dans un climat économique morose en raison de l'incertitude politique dans l'ensemble de la région et de l'évolution de la situation dans le sud-est du pays à majorité kurde.

La Turquie a dû revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour les trois prochaines années car la situation politique pèse lourdement sur l'économie. Inquiets de cette situation, les investisseurs étrangers se sont sensiblement retirés de Turquie depuis quelques mois. Le gouvernement ne table plus désormais que sur une croissance de 3 % cette année et 4 % en 2016.

Or, pour absorber les jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail la croissance doit être au moins de 5% l'an. Le taux de chômage est officiellement de 10% au niveau national, mais il atteint 20% de la population active dans le sud-est du pays en proie à des troubles politiques violents.

La chute de la livre turque par rapport au dollar renchérit les importations et participe à la hausse généralisée des prix. Les prévisions d'inflation ont elles aussi été réévaluées à 7,6 % cette année et 6,5 % en 2016. Dans le même temps, les exportations n'atteignent pas le niveau qui était escompté.

RFI

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