Avec notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion
L'atmosphère en Turquie ne fleure pas vraiment les traditionnelles campagnes électorales battant à plein. Quasiment pas de stands, quasiment pas de camions électoraux... Pas de meetings non plus, hormis ceux du Parti de la justice et du développement (AKP), qui n’attirent d'ailleurs pas foule. Depuis l’attentat d’Ankara, l’opposition a annulé tous ses rassemblements publics. Pour des raisons de sécurité, l’accent a été mis sur des réunions fermées, en petit comité, mais aussi sur la communication télévisée et les rencontres en direct via les réseaux sociaux.
A la recherche de la sortie de crise
C’est donc une campagne particulièrement morne qui se referme ce vendredi soir. Un seul espoir pour tous les électeurs turcs, qui ont encore 48 heures de réflexion devant eux : sortir de ce cauchemar de la crise politique, de la violence multiforme, de la polarisation de la société. Reste à savoir avec quelle majorité. Jeudi 29 octobre, pour l’anniversaire de la création de la République, le président Recep Tayyip Erdogan a dit souhaiter que les électeurs fassent le choix d’un « gouvernement monopartite fort, à même de garantir la poursuite de la stabilité ».
Le chef de l’Etat souhaite en effet un vote qui ramènera la majorité absolue au premier parti du pays, le sien, pour pouvoir former un gouvernement sereinement. De son côté, le patron de l’opposition social-démocrate, le leader du Parti républicain du peuple (CHP) Kemal Kiliçdaroglu veut en finir avec ce qu’il appelle la vacance du pouvoir au sommet de l’Etat. Il parle d'un Premier ministre Ahmet Davutoglu « sous hypothèque et sous influence du président ». Quant au leader de l'opposition pro-kurde du Parti démocratique des peuples (HDP), Selahattin Demirtas, il a réitéré ses appels à mettre fin à la politique militariste et répressive du gouvernement.
Le risque du statut quo reconduit
Dans cette campagne, les sondages disent ce que veulent leur faire dire leurs commanditaires. Les enquêtes d’opinion réalisées par des instituts proches du pouvoir donnent une large avance pour le parti de gouvernement AKP, comme cette estimation annoncée jeudi sur une chaîne pro-gouvernementale, qui attribuent à l’AKP plus de 47 % des intentions de vote. En revanche, les instituts plus indépendants mettent l’AKP toujours en tête, mais plutôt autour de 40 %. Une incertitude demeure sur la capacité de l'AKP à s’assurer une majorité absolue au Parlement. Mais ses chances d'y parvenir, il faut bien le dire, sont assez faible.
En revanche, une certitude : le pro-kurde Parti démocratique des peuples est assuré de franchir le seuil d’éligibilité des 10 % de votes et sera donc à nouveau représenté au Parlement. Le tableau général ne changera donc guère par rapport au résultat du scrutin de juin, et il faudra très certainement à nouveau chercher à former une coalition gouvernementale. Ou alors - et cette éventualité fait partie des scénarios possibles -, il faudra recourir à un nouveau scrutin cet hiver ou au printemps prochain. D’où l’inquiétude d’une nécessaire nouvelle recherche de coalition, voire la perspective d’un nouveau scrutin législatif dans les prochains mois.