Avec notre envoyé spécial à Diyarbakir, Nicolas Falez
Les candidats remontent l'une des principales rues commerçantes de Diyarbakir. Pour cette dernière journée de campagne avant les législatives anticipées de dimanche, ils distribuent sourires et poignées de mains. Mais pas de meetings électoraux. En juin, tout près, une bombe a coûté la vie à quatre personnes dans une réunion de campagne du HDP. Le parti a aussi payé un lourd tribut lors de l'attentat d'Ankara le 10 octobre dernier.
« Nous préférons organiser ce type de marche et de rencontres avec les gens. Nous avons perdu 102 camarades dans l'attentat d'Ankara et nous avons reçu des informations selon lesquelles il y a un risque d'autres attaques. Nous avons donc préféré annuler tous nos meetings, explique Idris Baluken, député et candidat de ce parti de gauche pro-kurde. Et puis, l'autre raison, c'est que nous sommes toujours en deuil après la mort de nos amis. »
Prudent, le HDP se veut aussi confiant à 48 heures du vote. Il compte bien réaliser un aussi bon score qu'en juin dernier lors des précédentes élections législatives. « Le HDP va dépasser le seuil d'éligibilité de 10 %. Ce sera la fin de la majorité absolue de l'AKP au pouvoir depuis 13 ans. Ce sera aussi la fin du système présidentiel que l'AKP veut instaurer. Et toutes les ethnies, toutes les croyances, toutes les sensibilités pourront être représentées au Parlement. Pour la première fois depuis la fondation de la République turque, nous aurons une République démocratique », se réjouit ainsi Firat Anli, l'un deux maires de Diyarbakir.
Morosité économique
La ville à majorité kurde garde encore les stigmates des semaines d’affrontements et de couvre-feu de l’été dernier dans cette région du sud-est du pays. Devant le poste de police, les blindés sont alignés. Et devant son magasin d’électroménager, Abdullah Hanazay reconnaît que les affaires ont souffert des violences et des tensions. « Ici, tout le monde a eu des pertes financières. Tout le monde a été atteint. En période de conflit, on est obligé de fermer les magasins et les consommateurs, eux, ne peuvent pas sortir de leurs maisons pour aller faire les courses. Mais nous gardons espoir. Nous voulons absolument que la paix vienne », confie-t-il.
Au cours des trois années précédentes, le processus de paix entre le pouvoir turc et le mouvement autonomiste kurde avait eu des conséquences positives sur l’économie. « Les commerçants ont beaucoup souffert des événements, reconnaît Gultan Kisanak qui codirige la municipalité. Nous devons être solidaires et les soutenir. » Il n’y a aucun touriste en vue ces jours-ci au pied des murailles de Diyarbakir. Pourtant, la ville ne manque ni de sites historiques ni d’hôtels pour accueillir les visiteurs. La déprime économique guette une région qui déjà s’estime délaissée par le pouvoir central.