Grèce: après la victoire du «non», le clivant Varoufakis démissionne

Yanis Varoufakis a démissionné de son poste de ministre des Finances de la Grèce, malgré la victoire du « non » au référendum de ce dimanche. Il justifie son départ par une volonté de faciliter l’obtention d’un accord avec les créanciers du pays. Il est remplacé par le vice-ministre des Affaires étrangères et coordinateur des négociations avec les créanciers de la Grèce, Euclide Tsakalotos.

« Je considère comme mon devoir d’aider Alexis Tsipras à exploiter, de la manière qu’il considère la meilleure, le capital que le peuple grec nous a donné avec le référendum d’hier », écrit Yanis Varoufakis sur son blog ce lundi.

Pour le flamboyant garant des finances grecques, sa présence est devenue un obstacle à la poursuite d’éventuelles négociations entre Athènes et ses créanciers. « Peu de temps après l'annonce des résultats du référendum, on m'a informé d'une certaine préférence de certains membres de l'Eurogroupe, et de "partenaires" associés, [...] pour mon "absence" des réunions, une idée que le Premier ministre a jugé potentiellement utile à l'obtention d'un accord. Pour cette raison je quitte le ministère des Finances aujourd'hui. »

Varoufakis démissionne au lendemain d'une victoire incontestable du « non » à une nouvelle cure d'austérité demandée par les créanciers - Commission européenne, Fonds monétaire international et Banque centrale européenne - à la Grèce. « Je porterai le dégoût des créanciers avec fierté », s'amuse presque Varoufakis dans son billet annonçant son départ.

Pour l’économiste Gabriel Colletis, qui était au micro de Frédéric Rivière, sur RFI, au moment de l’annonce de la démission de Yanis Varoufakis, il s’agit d’un « geste d’apaisement » qui s’adresse à la fois aux créanciers, mais aussi à destination d’une partie de Syriza, le parti du Premier ministre Yanis Varoufakis. « Yanis Varoufakis n’a jamais été un pilier de Syriza », souligne le professeur de Sciences économiques à l'Université Toulouse 1-Capitole qui est également consultant du gouvernement Tsipras. Le désormais ex-ministre grec des Finances siégeait en effet aux côtés de Syriza, mais n’a jamais eu sa carte au parti d’Alexis Tsipras. « [Yanis Varoufakis] était forcément contesté dans ses orientations par le parti Syriza, note Gabriel Colletis. Il s’est toujours comporté d’une certaine manière comme un franc tireur. Aujourd’hui la solidarité gouvernementale va jouer beaucoup plus profondément, beaucoup plus nettement ».

Un économiste hétérodoxe salué par ses pairs

Yanis Varoufakis, qui a enseigné au Royaume-Uni et en Australie, a été conseiller de Georges Papandréou lorsque ce dernier était à la tête du Pasok. Il a aussi été parmi les premiers économistes grecs à tirer la sonnette d’alarme sur la situation de son pays.

Dès 2010, cet économiste « hétérodoxe » met en garde contre le risque imminent de défaut de paiement de la Grèce. Le point central de son argumentaire : la dette - en l’occurrence la dette grecque - n'est pas le problème, elle n’est que le symptôme de « l'architecture défaillante de la zone euro » et des politiques d’austérité. Une thèse qu’il développe dans un court texte, Modeste proposition pour résoudre la crise de la zone euro, dont la préface de l’édition française est signée par Michel Rocard. « Peu de ministres des Finances sont aussi doués en économie que Yanis Varoufakis », disait de lui le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, lors d’une conférence à l’Institute for New Economic Thinking en avril dernier.

Yanis Varoufakis, qui se définit comme un « marxiste imprévisible », a attendu d’avoir 54 ans pour faire ses premiers pas sur la scène politique européenne. Et son entrée fut pour le moins fracassante. « Dr Catastrophe », « trublion », « rock star » ou encore « tsar de l’économie », il a collectionné les surnoms dans les portraits qui lui ont été consacrés depuis la victoire de Syriza et son arrivée au poste de ministre des Finances à Athènes.

Ses arrivées au guidon de sa moto et ses apparitions sans cravate dans les couloirs des sommets européens peuplés de costumes trois pièces ont tantôt amusé tantôt fait bondir ses interlocuteurs. Ses interventions, à l’issue desquels il a été taxé d’être un « donneur de leçon », ont irrité bon nombre de ses homologues européens, au point que, début mai, Alexis Tsipras a fini par missionner Euclidès Tsakalotos, ministre adjoint des Affaires étrangères, pour le « seconder » dans les négociations avec les créanciers. Des créanciers qu’il attaque de front jusque dans les dernières heures de son mandat : peu avant le référendum qui s’est soldé par une victoire écrasante du « non », il les accusait encore de « terrorisme ».

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