Les Grecs votent «non»: revivez un référendum historique

Près de dix millions de Grecs ont voté ce dimanche lors d'un référendum crucial pour l’avenir du pays et le futur de l’Union européenne et de la zone euro. Les résultats quasi-définitifs officiels donnent la victoire du « non » à 61,31 %. Dimanche soir, le Premier ministre Alexis Tsipras a salué un vote courageux et appelé à l'unité. Un sommet de la zone euro aura lieu mardi.

  • Tsipras : la victoire du « non » n'est « pas une rupture avec l'Europe »

Après l'annonce de la nette victoire du « non » au référendum, le Premier ministre grec s'est exprimé en fin de soirée ce dimanche. Alexis Tsipras a salué la victoire du « non », indiquant être prêt à reprendre les négociations dès lundi. « Vous avez fait un choix très courageux », a-t-il déclaré. « Nous avons écrit aujourd'hui une nouvelle page de l'histoire de la Grèce ». Mais la victoire du « non » n'est « pas une rupture avec l'Europe », mais un « renforcement de notre pouvoir de renégociation » avec les créanciers, a réaffirmé le Premier ministre grec. Enfin, Alexis Tsipras a également lancé un message d'unité au peuple grec : « Indépendamment de ce que nous avons voté, nous ne faisons qu'un ».

Le « non » l'a emporté avec 61,31 % de voix pour le « non » contre 38,69 % de voix pour le « oui » après le dépouillement de la quasi-totalité des bulletins de vote. Une victoire très large, alors que les sondages annonçaient un résultat très serré entre les deux camps.

Notre envoyée spéciale en Grèce, Aabla Jounaïdi, rapporte des explosions de joie dans tout Athènes, des partisans du « non », qui chantent les hymnes du parti Syriza, klaxonnent à tout va et se tombent dans les bras. « Toute la tension de la semaine retombe, s’exclame une jeune femme qui a voté pour Syriza aux dernières législatives et « non » au référendum. C’est comme si on avait donné un second mandat au gouvernement pour qu’il aille négocier avec les créanciers ».

« Dès demain, nous allons inviter nos partenaires à trouver un terrain d’entente, a déclaré le ministre des Finances Yanis Varoufakis. Le "non" au référendum en Grèce est un grand "oui" a une Europe démocratique, c’est un outil pour tendre la main à nos partenaires ».

  • Une journée de forte mobilisation 

A 19h, heure d'Athènes (16h TU), après une journée de forte mobilisation, les bureaux de vote ont fermé en Grèce. Ils avaient ouvert à 7h, heure d’Athènes (4h TU). Près de 9,8 millions de Grecs étaient appelés à voter sur l’acceptation ou non des mesures réclamées par les créanciers de la Grèce (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) en échange de la continuation du plan d’aide au pays.

« Personne ne pouvait ignorer la détermination d’un peuple à prendre son destin en main », a déclaré le Premier ministre grec Alexis Tsipras, juste après avoir voté dans un bureau de Kypséli, un quartier un peu délaissé du nord de la capitale grecque. Dans les bureaux de vote de ce quartier très densément peuplé, doté d'une forte population immigrée, Siryza avait fait de très bons scores lors des élections de janvier dernier. Difficile de discerner les électeurs grecs parmi les très nombreux journalistes de la presse internationale qui se sont pressés là pour voir Alexis Tsipras.

L’agitation n’empêche cependant pas les électeurs de trouver leur bureau, rapporte notre envoyée spéciale qui a visité plusieurs bureaux de vote de la capitale. Tout en étant conscients de vivre un scrutin historique, c’est sans enthousiasme que les Grecs se sont déplacés aux urnes ce matin. Si certains trouvent ce référendum inutile, la plupart sont venus voter avec résignation après une semaine morose, rehaussée tout de même par les manifestations, vendredi, par des pro-oui et des pro-non.

Quelques électeurs sont d’ailleurs venus en arborant des stickers « oxi » (non), ou « nai » (oui). Les positions semblent tranchées, chacun a de bonnes raisons de voter « oui » ou « non » soit contre l’austérité, soit contre la sortie de l’euro, pour soutenir le gouvernement dans de futures négociations ou même contre l’influence de l’Allemagne sur la politique économique grecque. 

A l’école Dimitrios, sur les hauteurs d’Athènes, les premiers électeurs sont arrivés dès 7h, au compte-gouttes d’abord, puis plus nombreux par la suite. Il s’agit surtout de personnes âgées. Là-aussi, les électeurs sont venus aux urnes avec un sentiment de crainte, mêlé à de la résignation. Il faut dire que la semaine a été très agitée et très anxiogène pour eux. Parmi la dizaine de personnes interrogées dans ce bureau par RFI, huit votent « non » à ce référendum et dénoncent l’attitude des dirigeants européens, qualifiés de « dédaigneux ». On parle beaucoup de fierté aussi, ce matin, pour justifier son vote.

A Metaxourgio, un quartier populaire du centre de la capitale où la moyenne d’âge est élevée, l’affluence est, elle, « normale », selon le personnel du bureau de vote où se trouve notre correspondante Charlotte Stiévenard. Mais difficile ici de se faire une idée du résultat du scrutin, tant le « oui » et le « non » semblent au coude-à-coude.

Concernant l’organisation du scrutin, les agents sur le terrain avouent qu’elle fut assez agitée. Ils ont eu une semaine à peine pour préparer ce vote mais heureusement les équipements étaient disponibles : les dernières élections ne remontent qu’à janvier 2015.

  • La Banque grecque demande des liquidités à la BCE, Martin Schulz promet des aides

Ce dimanche matin, Benoît Coeuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne, a déclaré : « Dans les circonstances actuelles qui sont des circonstances de très grande incertitude européenne et mondiale, la BCE a été claire sur le fait que si on devait faire plus on fera plus, on trouvera les instruments nécessaires, on utilisera nos instruments pour faire plus si cela devait être nécessaire ». C'était lors des Rencontres économiques qui se sont tenues ce dimanche à Aix-En-Provence, dans le sud de la France.

La BCE pourrait déclencher ces mesures en cas d’affolement des marchés, en ayant recours au programme d’assouplissement quantitatif (QE) de rachat de dettes publiques et privées par la BCE ou au programme OMT qui prévoit des rachats ciblés de titres de dettes de pays en difficulté.

Quel que soit le résultat à l’issue du référendum, « nous ne laisserons pas tomber les gens en Grèce » a pour sa part affirmé le président du Parlement européen, Martin Schulz. « Peut-être que nous devrons accorder des crédits d'urgence à Athènes pour que les services publics continuent de fonctionner et que les gens dans le besoin reçoivent l'argent nécessaire pour survivre », a-t-il avancé, affirmant qu’il y a « des fonds mobilisables à Bruxelles pour cela ». Il n’en a cependant pas moins critiqué le gouvernement d’Alexis Tsipras qu’il accuse d’avoir « mené le pays dans une impasse ».

Le français Jean-Luc Mélenchon, député européen, co-fondateur du Parti de gauche en congrès ce dimanche 5 juillet à Villejuif, pointe au contraire la responsabilité européenne et du FMI. « Cette crise est apparue, selon lui, pour 1,5 milliard d’euros, somme que la Grèce doit au FMI. Il suffisait d’un jeu d’écriture pour que la crise n’ait pas lieu », a-t-il proclamé devant 500 adhérents et militants du Parti de gauche.


■ Les enjeux du référendum en trois questions

 • Quelle est la question ?

La question exacte qui est posée aux électeurs grecs est la suivante : « Faut-il accepter le plan d'accord soumis par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international lors de l'Eurogroupe du 25 juin, qui est composé de deux parties : "Reforms for the completion of the current program and beyond" (Réformes pour l'achèvement du programme en cours et au-delà) et "Preliminary debt sustainability analysis" (Analyse préliminaire de la soutenabilité de la dette) ? » Les électeurs pourront voter « n'est pas accepté/NON » ou « accepté/OUI ».

  • Comment en est-on arrivé là ?

L’ampleur de la dette de la Grèce, entrée dans la Zone euro en 2001, a pris des proportions exponentielles au fil des années. La dette publique grecque est passée de 107 % du PIB en 2007 à 177 % du PIB en 2014, pour un montant global de 317 milliards d’euros.

Un premier plan d’aide avait été lancé en 2010, le FMI, la BCE et l’Union européenne accordant alors 110 milliards d’euros au pays en échange d’une série de mesures d’austérité. Selon les analystes, ces mesures n’ont pas été suffisantes ou, au contraire, ont accéléré le processus de la crise. En 2012, un nouveau plan a été débloqué, de 130 milliards d’euros cette fois, en échange de nouvelles mesures d’austérité, sans plus de succès sur la résolution de la crise financière. Sur le plan social, les mesures d’austérité imposées à la Grèce ont eu un coût important, avec notamment une multiplication par deux du taux de chômage et une baisse conséquente des revenus des Grecs. Le bras de fer entre le gouvernement d'Alexis Tsipras, arrivé au pouvoir en janvier dernier, et les créanciers est ensuite monté en puissance au fil des mois, jusqu'à l'annonce du référendum, le 27 juin.

 → A (RE)LIRE : Grèce: Alexis Tsipras, six mois face aux créanciers

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