Le président Ianoukovitch a fini par s'exprimer à la télévision ukrainienne ce samedi 22 février dans l'après-midi. Invisible depuis samedi matin, ses proches avaient signalé sa présence à Kharkiv, dans l'est du pays. C'est de là que le chef de l'Etat a affirmé qu'il n'entendait pas quitter son poste.
« Je n’ai pas l’intention de quitter le pays. Je n’ai pas l’intention de démissionner. Je suis un président légitimement élu. Tous les médiateurs internationaux avec lesquels j’ai travaillé m’ont donné des garanties pour ma sécurité : je vais voir comment ils vont remplir ce rôle. Tout ce qui se passe aujourd’hui, c’est bien sûr du vandalisme, du banditisme, et un coup d’Etat », a déclaré Viktor Ianoukovitch peu avant que le Parlement ne le destitue.
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Viktor Ianoukovitch compare même ses opposants à des nazis. « Nous assistons au retour des nazis à l'époque où ils avaient pris le pouvoir dans les années 1930 en Allemagne et en Autriche », a-t-il déclaré. Il dit qu'il fera tout pour éviter l'effusion de sang et la division du pays, qui est de fait, désormais, un danger qui guette en Ukraine. Dans l'Est, où l'ancien président se serait réfugié, les dirigeants des régions majoritairement russophones ont remis en cause la légitimité du Parlement de Kiev, déclarant qu'ils concervaient le seul contrôle de leur territoire.
Conforté par ces soutiens, Viktor Ianoukovitch s’accroche : il affirme qu’il va se rendre dans le sud-est, russophone aussi, et qu’il va continuer à rencontrer des gens. Il « appelle tous les observateurs et médiateurs internationaux à stopper ces gangsters ». Mais il ne pourra pas compter sur les forces armées, où le ton est différent. Ces dernières se disent « loyales à leurs obligations constitutionnelles et elles ne peuvent être impliquées dans un conflit politique intérieur », selon les termes d'un communiqué publié en début d'après-midi.
Prise du pouvoir de l'opposition
Vendredi, le gouvernement a accepté de signer un accord de sortie de crise qui prévoit, entre autres, d'importantes concessions du pouvoir. Depuis, tout s'est accéléré : à la Chambre des députés, le président du Parlement, proche de Viktor Ianoukovitch, a démissionné ce samedi matin. Il a été immédiatement remplacé par le bras droit de l’ex-Premier ministre Ioulia Timochenko, elle-même libérée ce samedi. Un autre a été nommé ministre de l'Intérieur.
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Les forces de l’ordre ont annoncé être aux côtés du peuple et souhaiter des changements rapides. Elles ont déserté le quartier gouvernemental où la sécurité est désormais assurée par les manifestants.
Stepan Semionitch, médecin de Lviv, a assisté au départ des forces de l'ordre. Il raconte comment vendredi soir après le vote du Parlement qui a limogé le ministre de l’Intérieur, les policiers et les forces antiémeutes ont fui en abandonnant tout :
« La plupart des policiers venaient de l’est du pays, des villes comme Donesk, Kharkov, la Crimée. Ce sont des régions importantes pour Ianoukovitch. Il y a eu quelques problèmes au moment où ils ont voulu partir, parce que les manifestants ne voulaient pas les laisser passer : ils voulaient s’assurer qu’il n’y avait pas parmi eux des personnes qui ont tué des manifestants. Mais finalement, ils ont réussi à s’échapper et, aujourd’hui, c’est le peuple qui dirige. »
La présidentielle fixée au 25 mai
Le Parlement a, de son côté, fixé au 25 mai la date de l'élection présidentielle anticipée en Ukraine. Les députés se sont tous levés comme un seul homme et ont entonné l’hymne national, la main sur le cœur, cet hymne qui résonne plusieurs fois par jours depuis maintenant plus de trois mois sur la place de l’Indépendance. En fixant la date de la présidentielle au 25 mai, les députés de la Rada ont déclaré que le chef de l'Etat était dans l'incapacité constitutionnelle d'exercer ses fonctions.