Ukraine: violences meurtrières à Kiev

Les affrontements meurtriers ont repris ce jeudi matin dans le centre de Kiev. Des scènes de guérilla urbaine sont rapportées par nombre d'observateurs sur place. Le bilan des victimes -53 morts par balles selon l'AFP- reste provisoire.

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Avec notre envoyée spéciale, Anastasia Becchio et agences

Le nombre de victimes dans le camp des manifestants est difficile à établir. Selon les services médicaux de l'opposition, il s'élèverait à au moins 60 morts. A l'hôtel Ukraine, notre journaliste dit avoir vu 15 corps sans vie, recouverts de tissus blancs, alignés dans le hall, derrière des tentures dressées autour de grandes colonnes.

Par ailleurs, un journaliste a vu dix cadavres gisant sur le sol, place de l'Indépendance, au centre de Kiev, devant l'hôtel Kozatski, de l'autre côté de la place. L'agence Reuters a quant à elle recensé 21 corps de civils allongés dans les rues, aux abords de la place.

Côté forces de l'ordre, deux policiers ont été tués ce jeudi, indique le ministère de la Santé, et douze au cours des deux jours précédents. Le ministère de l'Intérieur a appelé les habitants de Kiev à ne pas sortir et à ne pas se rendre au centre-ville. Dans un communiqué diffusé vers 14h TU, les policiers ont reconnu avoir utilisé des armes à feu en situation de « légitime défense ». Toujours selon le ministère de l'Intérieur, 67 policiers ont été enlevés par des manifestants.

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Blessés et secours. C’est à l'hôtel Ukraine, rapporte notre journaliste qui s'y trouve, que les premiers secours se sont organisés, dans la précipitation ce matin, quelques minutes après le début des affrontements violents qui se sont déroulés à deux pas de là, dans la rue Institutskaya, qui mène au quartier gouvernemental. Les blessés ont été amenés là par dizaines, couchés sur des brancards ou à même le sol. La plupart des blessés ont maintenant été évacués par ambulances, les médecins ne disposant pas de suffisamment de matériel ni de médicaments dans ce hall transformé en infirmerie de campagne, où les médicaments commencent peu à peu à arriver.

Balles réelles. Selon une femme médecin de 43 ans, volontaire, venue de Lviv, la majorité sont des blessés par balles. Ils ont été atteints à la tête, dans l'aisne, aux bras, aux pieds. « Je n'ai jamais vu ça de toute ma carrière. Je n'avais vu ça que dans des livres auparavant. C'est un carnage, un massacre, une horreur. On ne peut pas rester silencieux face à ça », dit-elle, les traits tirés. Elle dit espérer quand même avoir pu sauver trois vies, trois hommes qui ont été évacués à l'hôpital en ambulance. C’est véritable carnage qui s’est produit tout à l’heure, avec des tirs à balles réelles, comme l'a raconté un photographe ukrainien.

Tireurs embusqués. Si les affrontements semblent marquer une pause, la situation demeure globalement tendue, en particulier plus haut aux abords du quartier gouvernemental, où les employés ont reçu l'ordre de quitter les lieux. Des députés de l’opposition qui se trouvent à l'hôtel Ukraine, affirment que des tireurs embusqués sont toujours susceptibles d’agir. La cage d’escalier de l’hôtel a d’ailleurs été atteinte par plusieurs balles tirées de l’extérieur.

Les deux camps s'accusent réciproquement d'avoir recours à des tirs à balles réelles. La présidence a publié un communiqué dans lequel elle impute la reprise des violences aux manifestants accusés d’avoir recours à des tireurs embusqués. « Pourquoi tirerions-nous sur les nôtres », rétorquent les députés de l’opposition, qui, eux, voient dans ces derniers événements une provocation du pouvoir. Le maire de Kiev a annoncé son départ du parti au pouvoir devant ce « bain de sang ».

Discours, hymnes et prières

La nuit avait été relativement calme. Des déflagrations étaient néanmoins entendues et dans une ambiance absolument apocalyptique, et quelque peu surréaliste, au milieu de débris calcinés, les troupes anti-émeute occupaient la partie de la place qu’elles ont reprise mardi aux manifestants. Les hommes casqués, se protégeant derrière leurs boucliers, se tenaient prêts à lancer l’assaut si l’ordre leur en était donné. De l’autre côté, des barricades de fortune en feu et un nuage de fumée noire entre les deux camps.

Discours, prières et hymnes ont résonné toute la nuit à Maïdan, la place de l’Indépendance, où des centaines de personnes continuent de résister. Les plus radicales d’entre elles continuent d’envoyer des cocktails molotov en direction des forces de l’ordre, qui répliquent en tirant des balles en caoutchouc ou des pavés.

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