Avec notre correspondante à Budapest, Florence La Bruyère
Tout a commencé il y a dix jours, lorsque Janos Pocs, un député du Fidesz, le parti du Premier ministre Viktor Orban, a partagé sur les réseaux sociaux une photo de l’abattage rituel d’un cochon.
En hiver, par tradition, les Hongrois passent volontiers un week-end à la campagne, en famille ou entre amis, pour tuer le cochon. Le cliché en question représente un groupe d’amis dans une ferme, avec à leurs pieds l’animal qui vient d’être tué. Sauf que le cochon porte l’inscription « Soros ».
Or, Soros est le nom du milliardaire américain bête noire du Premier ministre hongrois. Depuis un an, Viktor Orban mène campagne contre l’homme d’affaires qu’il accuse de comploter contre son gouvernement. Cette attitude de haine a, selon de nombreux observateurs, des relents d’antisémitisme car George Soros est d’origine juive.
Le geste du député s’inscrit dans cette campagne. De plus, l’élu de droite ne s’est pas contenté de partager la photo. Il l’a commentée en écrivant : « Voilà un cochon de moins ».
« Antisémitisme officiel »
La fondation de George Soros s’est dite extrêmement choquée par cette image qui rappelle « les plus sombres traditions du Moyen Age ». « C’est un exemple de plus de l’antisémitisme officiel dans la Hongrie de Viktor Orban », estime l'organisme.
Des journalistes ont réussi à interpeller Viktor Orban, chose difficile car ce dernier ne parle qu’aux médias de son choix. Le Premier ministre hongrois a simplement rétorqué : « L’abattage des cochons ne fait pas partie des compétences du gouvernement. »
Du côté du pouvoir, il n’est visiblement pas question de sanctionner le député. Le vice-Premier ministre, Janos Lazar, s’est contenté de dire que poster une telle photo était de mauvais goût.
Mais les appels à la démission du député se multiplient. Le monde artistique en particulier est révolté. Un couple d’acteurs de gauche, très critique vis-à-vis du pouvoir, a publié une photo satirique sur les réseaux où la comédienne est déguisée en Adolf Hitler.
Une pétition a par ailleurs été lancée sur Internet pour demander la démission du député. La liste des signataires est impressionnante. Tous les grands écrivains hongrois, comme Pal Zavada ou Janos Hay, mais aussi des artistes, des philosophes ou encore la cinéaste Ildiko Enyedi, qui a gagné l’Ours d’or à Berlin l’an dernier, l'ont signé.
Tous disent : « Un homme qui incite à la haine n’a sa place ni au Parlement ni dans la fonction publique. »