Chypre est divisée depuis que l'armée turque a envahi, il y a 42 ans, la partie nord de l'île en réaction à un coup d'Etat visant à rattacher le pays à la Grèce, ce qui inquiétait la minorité turcophone de l'île. Dans le passé, plusieurs tentatives de réunification de Chypre ont échoué.
Est-ce que cette fois sera la bonne ? Tout le monde l’espère, et les commentaires de la presse européenne sont prudemment optimistes. Des sources proches de la délégation turque avaient affirmé au début des négociations de Genève que seuls huit à dix sujets posaient vraiment problème.
Droits de propriété
Pour Gilles Bertrand, enseignant-chercheur à Sciences Po Bordeaux, il s’agit principalement des droits de propriété. Plus exactement, « de compensations ou de restitutions des propriétés des Chypriotes grecs qui ont fui, ce qui est actuellement la zone occupée par l’armée turque, et des Chypriotes turcs qui avaient dû fuir et qui ensuite ont été tous regroupés dans la zone Nord ».
Selon le chercheur, « il y a là un problème juridique assez complexe ». Non seulement il faut choisir entre compensations et restitutions, mais il faut aussi déterminer leur prix. Faudra-t-il le fixer selon la valeur des biens de 1974 ou celle de 2017 ?
Questions qui fâchent
D’autres problèmes qui restent à résoudre ne sont pas beaucoup moins complexes. Par exemple, « la question du partage du pouvoir entre les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs ». Reviendra-t-on au système où, vu les proportions de la population, le président était grec et le vice-président turc ? Trouvera-t-on un autre système ? Selon quels critères ?
Une autre question qui fâche : les Chypriotes grecs souhaitent le départ de tous les soldats turcs, mais les représentants de la partie turque de l’île veulent en garder un certain nombre. Les dirigeants des deux communautés se sont engagés à présenter ce mercredi 11 janvier des cartes sur les arrangements territoriaux dans la future fédération qui serait composée de deux entités - chypriote grecque et chypriote turque. S’ils tiennent leurs promesses, ce sera un pas majeur vers la solution du conflit.
Réunification : si proche, si lointaine
L’ancien directeur du journal Cyprus Mail, Kosta Pavlowitch, estime qu’il s’agit vraiment d’une dernière chance. « La réunification – explique-t-il – est certainement plus proche qu’elle ne l’a été à aucune autre occasion par le passé, du fait de la bonne volonté des dirigeants de part et d’autre. Mais elle semble en même temps terriblement lointaine. Il y a le sentiment que s’il n’y a pas de réussite cette fois-ci, alors la question de la réunification est finie » et on se dirige plutôt « vers une partition plus ou moins officielle » de l’île.
Donc, pour Kosta Pavlowitch, « c’est certainement la dernière chance ». Pour cette raison, « les dirigeants et la communauté internationale mettent le paquet pour essayer de réussir la solution, mais si cela ne marche pas cette fois-ci, je pense que c’est fini pour de bon ».
Marginaliser les nationalistes
Pour le moment, tous les espoirs sont encore permis. Mais les négociations, cela ne fait pas tout. Même si elles aboutissent à un accord, les décisions négociées par les dirigeants devront encore être acceptées par la population dans un référendum. Or, Gilles Bertrand rappelle qu’en 2004 « les Chypriotes grecs avaient repoussé l’accord proposé par les Nations unies ».
Selon le chercheur, cela veut dire « qu’il va falloir, pour les deux présidents, parvenir à marginaliser les nationalistes de part et d’autre, qui sont, sans le dire parfois, favorables à une partition définitive ». Pour Gilles Bertrand, « il n’y a guère d’autre solution » qu’un Etat fédéral. « Une réunification qui aboutirait à un Etat unitaire et centralisé – les Chypriotes turcs n’en veulent pas ».
Les négociations bilatérales seront suivies, le jeudi 12 janvier, d’une conférence avec la participation des Etats garants de la sécurité de l'île: la Turquie, la Grèce et le Royaume-Uni. Les garanties que les deux parties souhaitent obtenir concernant leur sécurité en seront le sujet principal.