L’article 50 organise la sortie officielle d’un pays de la communauté européenne. « Cette décision veut dire que nous avons le temps de développer notre stratégie pour les négociations et mettre au point nos objectifs », a déclaré la Première ministre britannique.
Dans un tweet, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a immédiatement salué une déclaration « qui apporte une clarté bienvenue sur le démarrage des discussions sur le Brexit ».
Aux commandes du 10 Downing Street depuis la démission de David Cameron, la Première ministre britannique a appelé à une transition « en douceur », souhaitant, dit-elle, négocier le « meilleur accord possible ». Elle n’a toutefois pas tranché sur la place du Royaume-Uni dans le marché unique ou sur les questions de contrôle de l'immigration, réclamées par les Britanniques.
En fonction depuis le 1er octobre, Michel Barnier, ancien commissaire européen, aura la lourde tâche de négocier ce divorce compliqué pour Bruxelles. La procédure ne devrait pas intervenir avant 2019.
Accès au marché européen ?
Les Européens vont tenter de minimiser les conséquences de ce Brexit pour l’UE, mais ils n’ont pas l’intention de faire de cadeau à la Grande-Bretagne. « Aujourd’hui les partenaires européens de la Grande-Bretagne se raidissent un peu. Ils se disent : "ils sont bien gentils avec leur référendum mais ils nous posent des problèmes" », explique Jean Guéguinou, ancien ambassadeur français en Grande-Bretagne.
La Grande-Bretagne, qui a toujours bénéficié d’un statut particulier avec beaucoup d’avantages au sein de l’UE, poursuit-il, ne peut pas « avoir le beurre et l’argent du beurre ». Une question difficile à transiger, poursuit-il, est l’accès au marché européen. « L’accès au marché ne peut pas être négocié sans que ne se pose la question de la libre-circulation entre pays européens. Il y aura donc un ou deux thèmes sur lesquel je ne vois pas comment les accords peuvent se faire », conclut-il.
Londres devra donc choisir entre deux options, selon Axelle Lacan, économiste chez Coe Rexecode. « Soit le Royaume-Uni intègre l’espace économique européen à l’instar de l’Islande, le Lichtenstein, la Norvège, dans ce cas il garde son accès au marché unique de biens et services. En même temps, il contribue au budget européen et il continue à respecter les quatre libertés : biens, capitaux, services, personnes. Soit le pays souhaite détenir davantage de souveraineté et suivre la voie suisse ou la voie d’une union douanière à l’instar de la Turquie mais, dans ce cas, il perd l’accès au marché unique de biens et services », explique-t-elle.
Avec le Brexit, le Royaume-Uni se prive de centaines de contrats de libre-échange conclus par ses partenaires européens. Il se prive également du précieux passeport européen, un graal pour les établissements financiers de la City. « Aujourd’hui il y aurait 5 500 entreprises financières basées au Royaume-Uni qui utiliseraient ce passeport européen pour vendre leurs services à travers l’Union européenne et la perte de ce passeport européen réduit largement l’attractivité du Royaume-Uni pour les investisseurs non-européens », ajoute-t-elle.
Soft Brexit versus hard Brexit
Les Tories sont très divisés et le flou persiste entre un soft Brexit avec accès au marché unique ou un hard Brexit, avec une sortie rapide de l’UE et un retour du contrôle des frontières.
Parmi les pro-Brexit, un fort sentiment anti-immigration domine. « Il y a un climat très tendu en Grande-Bretagne avec une montée spectaculaire de violences à l’égard des immigrés », déplore Emmanuelle Avril, professeur de civilisation britannique contemporaine à l’Université Sorbonne nouvelle - Paris 3. « La campagne menée par ceux qui promouvaient une sortie de l’Union européenne a mis l’accent sur les risques liés à l’afflux de migrants européens. Il y a eu des affiches très perturbantes montrant des hordes de migrants se dirigeant vers la Grande-Bretagne. Il y a donc, dans l’esprit d’une partie des électeurs britanniques, un lien entre Brexit et la possibilité de mettre fin à cet afflux », poursuit Emmanuelle Avril.
Méfiance des petites entreprises
Dans ce climat de tension et d’incertitude, la confiance des patrons des PME britanniques a atteint son plus bas niveau depuis quatre ans, selon la Federation of Small businesses. Pourtant, près de la moitié de ces entreprises se sont prononcées en faveur du Brexit. « Ce qui a rebuté ces petites entreprises sont les normes européennes qui leur paraissent de plus en plus contraignantes. Elles réagissent à cela et se disent "on préfère être libres" », explique Graig Beaumont porte-parole de la Federation. « Mais cela reste à vérifier, d’autant que nous aurons à intégrer certaines de ces normes européennes quand nous sortirons de l’UE ! Cela dit nous ne sommes pas inquiets car les entreprises sont résilientes dans l’âme. Elles savent surmonter les difficultés et trouver de nouveaux débouchés », ajoute-t-il.
Theresa May a également annoncé l’introduction d’une « grande loi » d’abrogation de la législation de 1972, qui incorporait les textes européens dans la législation nationale. A charge des députés, ensuite, de les amender s’ils le souhaitent.
« Brexit means Brexit »
Les députés britanniques ont toutefois l’intention de bloquer le Brexit. Mais Theresa May peut se passer de l’aval du Parlement. La Première ministre l’a dit et redit : « Brexit means Brexit », en clair, cela a été voté, cela sera fait !