Royaume-Uni: les frasques peu diplomatiques de Boris Johnson

La nomination de Boris Johnson au poste de ministre des Affaires étrangères n’a pas laissé le monde indifférent, la semaine dernière, après l’investiture de Theresa May à la tête du Royaume-Uni. Personnage haut en couleur, pro-Brexit, l’ancien maire de Londres est réputé pour avoir à son actif un important palmarès de gaffes et de provocations, notamment à l’égard de certains dirigeants étrangers. Les journalistes américains lui ont d’ailleurs demandé de s’expliquer sur ses « mensonges » lors d’une conférence de presse commune avec le secrétaire d’Etat américain John Kerry mardi 19 juillet, à Londres.

Devant un parterre de journalistes américains, un brin embarrassé, le nouveau ministre des Affaires étrangères britannique a prévenu qu’il serait « trop long » de présenter des excuses pour tout ce qu’il a écrit et qu’il y avait un « long catalogue » de choses qu’il avait pu dire et qui avait été, selon lui, « mis hors contexte » ou « mal interprété ».

Interpellé par la presse américaine sur ses déclarations controversées et ses « mensonges » passés, Boris Johnson a tenté d’esquiver les questions des journalistes pour les réorienter sur le sujet de sa rencontre avec John Kerry. Mais il faut dire que depuis qu’il a été nommé à la tête de la diplomatie britannique, les frasques de l’ancien maire de Londres remontent à la surface.

Or ce dernier a, à son actif, un florilège de provocations fracassantes, parfois insultantes, visant de nombreuses personnalités, dont des leaders mondiaux. A commencer par certaines figures de la politique américaine.

Obama, président « en partie kényan » et Clinton en « infirmière sadique »

La veille de la visite du président américain au Royaume-Uni en avril dernier, Boris Johnson a dénoncé dans un article du Sun « l’hypocrisie » de Barack Obama, se fendant au passage d’une allusion étrange à ses origines kényanes. « Certains ont dit qu'il snobait les Britanniques. D'autres disent que c'est le symbole de l'aversion ancestrale d'un président en partie kényan pour l’Empire britannique », a écrit Boris Johnson, critiquant le renvoi par l’administration américaine d’un buste de Churchill prêté par Downing Street.

Hillary Clinton aussi a eu le droit à son commentaire déplacé. En 2007, dans une tribune publiée dans le Daily Telegraph, Boris Johnson s’est fendu d’une description peu amène de la candidate américaine. « Elle a des cheveux teints en blond, des lèvres boudeuses et un regard bleu acier comme une infirmière sadique d'un hôpital psychiatrique. » Et de conclure avec une réflexion misogyne : « Si Bill peut gérer Hillary, il peut sans doute gérer n’importe quelle crise. »

Même Donald Trump, à qui il est parfois comparé, n’a pas échappé à sa verve colorée. Quand le candidat républicain a affirmé que certains quartiers de Londres étaient si radicalisés que les policiers n’y allaient plus, craignant pour leur vie, Boris Johnson a aussitôt dénoncé « l’absurdité totale » des propos « mal informés » du milliardaire, qui trahissaient d’ailleurs une « stupéfiante ignorance ». « La seule raison pour laquelle je ne voudrais pas me rendre dans certaines parties de New York, c'est le risque réel de rencontrer Donald Trump », a-t-il ajouté.

Poutine et l’elfe Dobby, Erdogan et la chèvre

Mais les personnalités politiques américaines ne sont pas les seules à avoir été la cible de ses remarques acerbes. Parmi les victimes de son humour douteux, on peut notamment compter Vladimir Poutine, que Boris Johnson n’a pas hésité à comparer à l’elfe Dobby, un personnage de Harry Potter, et qu’il a traité de « tyran impitoyable et manipulateur ». Tout en proposant, dans la même tribune, de faire « un pacte avec le diable » : « nous devons travailler avec Poutine et Assad en Syrie ».

Néanmoins, l’une de ses provocations les plus notables concerne le président turc Recep Tayyip Erdogan. En mai dernier, Boris Johnson a remporté un « concours de poèmes insultants » envers le président turc. Un concours organisé par le journal The Spectator, en soutien à un humoriste allemand poursuivi par Ankara pour avoir lu à la télévision publique un poème satirique émaillé d'allusions sexuelles à l'encontre du président turc.

« Si quelqu'un veut faire une blague sur l'amour qui fleurit entre le président turc et une chèvre, il devrait pouvoir le faire, dans n'importe quel pays européen, y compris en Turquie », a estimé Boris Johnson. Dans les cinq vers de son poème primé, l’ancien maire de Londres sous-entend que le président turc a eu des relations sexuelles avec une chèvre.

L’UE comparée à l’Allemagne nazie

Et quand ce n’est pas directement à des figures dirigeantes que s’en prend le nouveau ministre britannique des Affaires étrangères, ses provocations n’en sont pas moins discutables. Figure majeure des pro-Brexit durant la campagne référendaire au Royaume-Uni, Boris Johnson a comparé l’Union européenne au IIIe Reich d’Adolf Hitler, ni plus ni moins.

« Napoléon, Hitler, plusieurs personnes ont essayé de le faire [unir le continent européen], et cela s'est terminé de manière tragique. L'Union européenne est une autre tentative avec des méthodes différentes », a-t-il estimé lors d’un entretien avec le Sunday Telegraph, provoquant l’indignation des deux côtés de la Manche.

« Négrillons » du Commonwealth et cannibalisme papou

Avec ce genre de déclaration outrancière et ses positions concernant le Brexit, les relations de Boris Johnson avec les Européens s’annoncent compliquées. Mais elles ne seront pas simples non plus avec certains pays d’Afrique, si les diplomates africains lui tiennent rigueur de commentaires qu’il a pu faire en 2002 concernant les pays membres du Commonwealth.

A l’occasion d’une de ses attaques lancées contre l’ancien Premier ministre Tony Blair, dont il critiquait le côté globe-trotter, Boris Johnson a écrit, dans un article du Daily Telegraph : « Quel soulagement cela doit être pour Blair de quitter l'Angleterre. Il a été dit que la Reine a appris à aimer le Commonwealth en partie parce qu'elle y recevait une dose régulière de foules en liesse de négrillons agitant des drapeaux. » Et d’ajouter : « nul doute que les AK-47 vont se taire (…) et que les chefs de guerre tribaux seront de sortie avec des sourires de pastèque pour assister à l’arrivée du grand chef blanc dans son grand oiseau blanc financé par le contribuable britannique ».

Dans le même registre, Boris Johnson a également comparé en 2006 la situation au sein de son propre parti « aux orgies de cannibalisme et aux meurtres de chefs dans le style de la Papouasie-Nouvelle Guinée ». Bien qu’il se soit excusé après coup, l’ancien maire de Londres a néanmoins insisté : « mes remarques étaient inspirées d’un livre de Time Life où figurent des photos relativement récentes illustrant des affrontements tribaux et je suis quasiment sûr que cela impliquait du cannibalisme ».

« Ça s'appelle la diplomatie, Boris »

Autant de déclarations qui expliquent la vague de surprise et d’interrogations qu’a suscitée sa nomination au poste décisif de ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni. Boris Johnson, considéré jusque-là davantage comme un trublion à la langue bien pendue que comme un homme politique d’envergure, semble à beaucoup un diplomate plutôt inattendu.

Mais interrogé sur la compétence de ce partenaire diplomatique lors de leur conférence de presse commune mardi, John Kerry a expliqué que l'ambassadeur américain pour l'UE avait fait ses études à Oxford au même moment que Boris Johnson et que ce dernier lui avait dit que c’« était un homme très intelligent et compétent ».

« Ça me va, arrêtons-nous là », a rétorqué Boris Johnson devant tant de compliments. Et John Kerry de répondre, taquin : « Ça s'appelle la diplomatie, Boris ».

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