Brexit: David Cameron attendu de pied ferme par ses 27 partenaires à Bruxelles

Un Conseil européen exceptionnel s’ouvre ce mardi à Bruxelles. Ce n'est plus un sommet des Vingt-Huit, mais un sommet à « 27+1 ». Depuis le « oui » des Britanniques au Brexit, le Royaume-Uni est en sursis. Cette réunion de deux jours des dirigeants européens va être presque entièrement consacrée à cette situation inédite, du jamais vu en 60 ans de construction européenne. Autant dire que les dirigeants européens n’ont pas de scénario tout prêt.

Souvent, les sommets européens sont parfaitement réglés d’avance et servent à entériner des textes qui font déjà l’objet d’un accord entre pays membres. Et les débats d’orientation, la prospective, n’occupent tout au plus que le temps d’un dîner. Mais cette fois-ci, on s’apprête à naviguer à vue, relate notre correspondant à Bruxelles, Quentin Dickinson.

Tout ce que l’on sait, c’est que le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, invitera dès le début des travaux David Cameron à s’exprimer. On peut douter que le Premier ministre britannique, artisan mal inspiré du « désastre », et qui a annoncé qu'il démissionnerait dans les trois mois de son poste, soit accueilli avec chaleur et écouté avec sympathie.

Deux questions méritent clarification. D’abord, à quel moment le Royaume-Uni enverra-t-il la notification de son souhait de quitter l'Union européenne ? Cette démarche est indispensable pour déclencher la négociation technique sur le désengagement, conformément à l'article 50 du Traité de Lisbonne. Londres entend temporiser, mais la pression des marchés et des milieux économiques outre-Manche pourrait changer la donne.

Ensuite, quel type de relations le Royaume-Uni veut-il entretenir avec l’Union européenne après sa sortie ? En réalité, il n'y a que deux options : soit le pays retourne dans le giron de l'Association européenne de libre-échange (AELE), aux côtés de la Norvège, de la Suisse et du Liechtenstein, soit il prend le large, n’entretient plus aucun lien particulier avec le reste du continent européen, et n’est plus soumis qu’aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Rome, Paris et Berlin accordent leurs violons

A eux trois, ils pèsent 70 % du produit intérieur brut de l'UE. A la veille de ce Conseil européen crucial et inédit, ils ont donc tenté de rapprocher leurs points de vue, en mini-sommet à Berlin, avant de se retrouver face à Londres. Mais ne dites pas à la France, l'Italie et l'Allemagne, qu'elles sont désormais un nouveau directoire. Les trois nations veulent avant tout préserver l'unité d'une Union qui n'avait jamais été aussi fragilisée, en proposant des bases de discussion.

La réunion de lundi était donc avant tout une démonstration de force de leur part, visant à prouver que les trois grandes nations fondatrices de l’Union européenne ne sont pas sous le choc et peuvent encore formuler des propositions. Ne faire montre d'aucune impuissance dans la situation actuelle ; ne pas donner des idées à d’autres forces centrifuges, dans d’autres Etats membres, ce qui conduirait à détricoter l’intégration européenne.

Les trois responsables ont regretté la décision des électeurs britanniques, mais on constate que leur empressement à y répondre n’est pas tout à fait le même. Le président français et le Premier ministre italien veulent aller vite pour entamer des négociations avec le Royaume-Uni, alors qu’Angela Merkel est plus patiente et fait preuve d'une plus grande compréhension à l’égard de Londres, décrypte notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut.

Mais la France, notamment, veut que les choses aillent beaucoup rapidement encore. Lundi, à la sortie de la réunion, François Hollande a insisté sur le fait que l'incertitude génère des comportements politiques et économiques irrationnels. En philigrane, on le sens bien, le président français a la préoccupation de tout faire pour que le Brexit n'étouffe pas le début de reprise observé dans l'Hexagone.

Risque d'une désintégration, espoir d'un nouvel élan

Ceci étant dit, François Hollande, Matteo Renzi et Angela Merkel parlent désormais presque d'une seule voix en attendant de voir David Cameron. La chancelière allemande a fait un pas : « Ce n'est certes pas une question de jours, mais nous ne souhaitons pas que le Royaume-Uni fasse traîner les choses », a-t-elle assuré. « Il n'y a pas de temps à perdre », ont écrit les trois dirigeants dans leur communiqué final.

Message de fermeté réitéré par Mme Merkel devant le Bundestag, le Parlement allemand, ce mardi : « On s'assurera que les négociations ne se déroulent pas selon le principe du " choix à la carte " », a déclaré Mme Merkel, pour qui « celui qui sort de la famille ne peut pas s'attendre à ce que tous ses devoirs disparaissent et que ses privilèges soient maintenus ».

Rome, Paris et Berlin ont donc fait passer un message clair : il faut partir. Et pour renforcer la pression, les trois capitales vont proposer aux 24 autres de réfléchir à un nouvel élan sans Londres. Pour aller à la rencontre des demandes des citoyens, ils proposent de travailler sur la sécurité intérieure et extérieure, avec la lutte contre le terrorisme et ses causes, mais aussi sur la croissance, l'investissement et l’emploi, notamment pour les jeunes.

Ces sujets ont déjà fait l'objet de déclarations par le passé, mais n’ont pas forcément été suivies d’effets. Alors, pourquoi ce qui n'a pas marché hier marcherait aujourd'hui ?  Optimiste, François Hollande fait le pari suivant : la sortie du Royaume-Uni est une occasion historique de relancer la dynamique européenne, de redorer aussi son bilan européen, ainsi que son leadership si affaibli en cette fin de mandat.

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