C’est la répétition d’un geste, mais dans un contexte humanitaire beaucoup plus tendu depuis l’arrivée massive de réfugiés et de migrants aux portes de l’Europe par la route, cette fois, de la Mer Égée. 90 000 ont atteint les côtes de la petite île de Lesbos depuis le début de l’année et l’accord du 18 mars conclu entre l’Union européenne et Ankara menace désormais un Syrien sur deux arrivé illégalement en Grèce d’être reconduit en Turquie.
Sur l’île de Lampedusa, face à cette Méditerranée en passe de devenir un cimetière marin, le pape François avait dénoncé « la mondialisation de l’indifférence ». Depuis, il n’a eu de cesse de rappeler le drame des migrants. À Lesbos, auprès des réfugiés parqués dans des camps de rétention, c’est la conscience de l’Europe qu’il vient secouer. Il sera accompagné du patriarche de Constantinople, Bartholomée Ier et du chef de l’Eglise orthodoxe grecque, l’archevêque d’Athènes Hieronymos.
Un geste qui va déranger
Pour Jean-Pierre Denis, le directeur de la rédaction de l’hebdomadaire catholique La Vie, le geste est politique, iconoclaste, prophétique et devrait déranger les fidèles et les Eglises, notamment celles de Pologne et de Hongrie qui perçoivent les réfugiés comme une charge et une menace.
Pour le rédacteur en chef de la revue jésuite Études, le père François Euvé, qui dénonce l’accord « lamentable » entre l’UE et la Turquie, le pape ne vient pas donner à Lesbos une feuille de route pour régler la question migratoire, ça n’est pas son rôle, mais il vient interpeller une Europe divisée, impuissante, sans horizon et qui doit se ressaisir.
François a placé les migrants et les réfugiés, la grande question du XXIe siècle, au cœur de son pontificat. Ce qui donne à ses gestes une portée prophétique.
■ Une visite éclair
Avec notre correspondant au Vatican, Olivier Bonnel
La visite sera brève, à peine cinq heures, mais promet d’être un symbole fort. À son arrivée à l’aéroport de Mytilène, le pape s’entretiendra d’abord avec le Premier ministre grec Alexis Tsipras, puis se rendra dans le camp de Moria où vivent 2 500 réfugiés en demande d’asile. Durant la visite, il sera aux côtés du patriarche de Constantinople Bartholomée et de l’archevêque grec orthodoxe d’Athènes, Jérôme. Les trois hommes doivent déjeuner avec des réfugiés puis signer une déclaration commune. Le pape ira ensuite rencontrer les habitants de Lesbos et la communauté catholique locale, puis prononcera un discours avant de se recueillir à la mémoire des migrants morts en mer. Il s’agira de la deuxième visite seulement d’un pape sur le sol grec après celle de Jean-Paul II à Athènes en 2001.